Harry Potter et le latin

Issue d’une famille modeste, la romancière britannique Joanne Rowling (alias JK Rowling) a écrit sa première petite « histoire » à 6 ans ! Ce qui est impressionnant. Elle a fait des études de français et de langues anciennes (« Classics ») à l’université de d’Exeter. Elle a beaucoup lu les romans du philologue Tolkien, auteur du Seigneur des Anneaux. Nous verrons comment ses études latines ont influencé son écriture de l’histoire du sorcier Harry Potter. Nous avons réalisé cette étude avec notre professeur Mme Le Gall, dans le cadre de notre cours de latin S2.

Jayden Chimi / S2fr / EE Karlsruhe

Les formules magiques en vrai ou faux latin ?

On peut commencer par évoquer la devise de Poudlard « Draco dormiens numquam titillandus » (« Il ne faut jamais chatouiller un dragon qui dort ») qui est basée sur de vrais mots latins. Par exemple : titillo (chatouiller) et numquam (jamais). Les formules magiques proviennent en partie de la langue latine. Nous avons collecté puis analysé quelques formules en les recherchant dans le dictionnaire Latin-Français de F. Gaffiot.

Formules correctesFormules (partiellement) incorrectes
Accio : faire venir le baguette à l’utilisateur Aquamenti : fait sortir un jet d’eau de la baguette. > lat. aqua (eau) et aquamanile (bassin pour se laver les mains)
Amplificatum : augmente la taille d’un objet Aparecium : peut faire apparaître des écritures invisibles > lat. appareo 
Avis : sort qui fait apparaître des oiseaux  Endoloris : sortilège de douleur > lat. dolor (douleur)
Confringo : briser Expelliarmus, mélange d’expello (je chasse) et d’arma (armes)
Confundo : mélanger   Expecto patronum : attendre le protecteur > lat. Exspecto   
Dentes augmento : faire pousser les dentsFinite incantem : peut annuler un sort > lat. incanto (chanter) ou incantamentum (enchantement)
Ferula : fait apparaître de quoi faire une attelle Flambios : Peut faire apparaître des dessins de feu dans l’air  > lat. flamma : flamme
Gemino : doubler Homenum revelio / Humanus revelo : Humain révélé. > lat. Hominem revelo
Impedimenta : malédice d’entrave (bagages)Lumos (charme lumineux) > lat. lumen (lumière)
Impero : ordonnerPetrificus totalus > lat. totaliter (totalement) 
Incendio : pour un feu (datif latin)Priori incantatum > lat. prior (premier au nominatif) incantamentum (sortilège) 
Nox : nuit, pour éteindre la baguetteRictus sempra > lat. rictus (rire), semper (toujours)
Portus : passage Sourdinam > lat. surditas (sourd) 
Protego : abriter   Specialis revelio : découvrir spécialement > lat. revelo
Tergeo : peut faire disparaître des traces (sang) Stupefix > lat. stupefio (être pétrifié, stupéfait) 

Marie-Amélie Andres, Mathis Briest, Jayden Chimi, D. N., A. S. / S2fr / EE Karlsruhe

Les noms des personnages

J.K. Rowling utilise aussi beaucoup ses connaissances en latin et en mythologie gréco-romaine dans les noms des personnages de Harry Potter. Il est intéressant de voir comment les prénoms expriment, dans la plupart des cas, l’attitude des personnages de façon directe ou ironique.  

  • Pomona Chourave : pomum : fruit en latin. Pomone était la nymphe des jardins et des fruits, ce qui montre parfaitement son rôle de professeure de jardinage.
  • Albus Dumbeldore : albus : blanc-argenté en latin, ce qui fait référence à sa barbe et à son innocence.
  • Cornelius Fuge : Le nom Cornelius vient probablement (ironiquement car il est incapable d’entreprendre le moindre projet seul et il est trouillard) de la célèbre famille romaine Cornelia et de son membre le plus connu : Publius Cornelius Scipio, également connu sous le nom de Scipion l’Africain qui était un célèbre chef de guerre romain qui a fait ses preuves sur le champ de bataille.
  • Rubeus Hagrid : rubeus : rouge en latin
  • Minerva McGonagall : Le prénom Minerva vient de la déesse romaine Minerve qui est la déesse de la guerre mais aussi de l’intelligence et de la sagesse, ce qui exprime bien les multiples facettes de la personnalité de McGonagall. De plus, Minerve est l’enfant préférée et la main droite de Jupiter, ce qui exprime aussi la complicité entre Dumbledore et elle, et le fait qu’elle soit directrice adjointe de Poudlard. 
  • Draco Malefoy : draco : en latin dragon, ce qui montre bien le caractère plutôt “explosif” de Draco.
  • Argus Rusard : Argus est dans la mythologie romaine le monstre aux cent yeux qui surveille le jardin des Hespérides et qui ne dort qu’avec la moitié de ses yeux à la fois, ce qui montre bien le fait que rien n’échappe au concierge de Poudlard qui est donc « rusé ». 
  • Ludovic (ou Ludo) Verpey : ludus : en latin le jeu, ce qui exprime parfaitement sa façon de parier sur tout.

A. S. / S2fr / EE Karlsruhe   

Les formules latines dans les éditions française, anglaise et allemande.

En consultant l’édition originale anglaise de Harry Potter et les versions en anglais et en allemand, nous avons pu comparer les traductions des différents sorts dans les différentes langues. Ainsi, prenons l’exemple du sortilège de douleur « Endoloris » dans l’édition française qui est issu du latin « dolor, is » (douleur) et fait partie des sortilèges impardonnables. En anglais et en allemand, ce sortilège n’est pas traduit par « Endoloris » mais par « Cruciatus ». On peut l’expliquer par le fait que pour les lecteurs français, le mot « Endoloris » peut rappeler le mot « endolori » tandis que la version originale « Cruciatus » (traduction présente aussi dans l’édition allemande) ne suggère rien aux jeunes lecteurs français, hormis « crucial » ou « crucifié ». Le mot cruciatus existe en latin et signifie : tourment, supplice.  

Les sortilèges s’écrivent de manière différente quand on les lance. Par exemple, pour lancer le sortilège de douleur, les sorciers disent « Doloris » en anglais et français. En allemand, les sorciers disent « Crucio » pour le lancer. Le mot crucio existe bien en latin et signifie « je mets en croix ».

En conclusion, les traducteurs ont changé les sortilèges pour que les jeunes lecteurs puissent les comprendre plus facilement en les comparant avec les mots existant dans leur langue maternelle.

Liam Gourvest / S2fr / EE Karlsruhe

La traduction latine Harrius Potter et Philosophi Lapis est-elle bonne ?

La traduction en latin a été réalisée par l’anglais Peter Needham pour la maison d’édition britannique de JK Rowling, Bloomsbury en 2003. Nous avons étudié la traduction en latin du premier chapitre d’Harry Potter et Philosophi Lapis.

Edition françaiseEdition latine
Caput primum : Puer qui vixit Dominus et Domina Dursley, qui vivebant in aedibus Gestationis Ligustrorum numero quattuor signatis, non sine superbia dicebant se ratione ordinaria vivendi uti neque se paenitere ilius rationis. in toto orbe terrarum vix credas quemquam esse minus deditum rebus novis et arcanis, quod ineptias tales omnino spernebant. Chapitre premier : Le survivant Monsieur et Mme Dursley, qui habitaient au 4, Privet Drive, avaient toujours affirmé avec la plus grande fierté qu’ils étaient parfaitement normaux, merci pour eux. Jamais quiconque n’aurait imaginé qu’ils puissent se trouver impliqués dans quoi que ce soit d’étrange ou de mystérieux. Ils n’avaient pas de temps à perdre avec des sornettes.   

En latin, le « survivant « est traduit par « l’enfant qui a vécu » (Puer qui vixit). On reconnait derrière « Dominus et Domina » (Maître et Maîtresse) l’expression « Mme et M ». L’adresse restée en anglais dans l’édition française (Privet drive) qui signifie « allée des troènes » est bien traduite en latin par Gestationis Ligustrorum (gestatio signifie le fait de porter, mais aussi la promenade ou l’allée). L’expression latine non sine superbia signifie littéralement non sans orgueil. Dans la traduction latine rebus novis et arcanis, on devine le mot français « arcanes » (secrets) traduit par « mystérieux » ; l’expression française « quoi que ce soit d’étrange » est rendue par le latin rebus novis (« des choses nouvelles »). Enfin, le mot ineptias (qui a donné « ineptie » en français) est traduit pas « sornette ». On peut conclure que l’édition latine de Harry Potter and the Philosopher’s Stone est très fidèle au texte original.

Marie-Amélie Andrès / S2fr / EE Karlsruhe

Des traités d’alchimie en latin à Harry Potter et la Pierre philosophale.  

Nous avons consulté sur le site de la bibliothèque universitaire de Bâle (Suisse) des numérisations de manuscrits d’alchimiste dont la plupart sont conservés à la bibliothèque de Saint-Gall (St. Gallen Stiftsbibliothek Schweiz). Selon la notice, le manuscrit en latin et en allemand date du XVe siècle et traite de la géomancie, la chiromancie, l’iatromathématique, l’astronomie, l’alchimie et la médecine.

  • La géomancie est une technique de divination fondée sur l’analyse de figures composées par la combinaison de quatre points simples ou doubles (ou points et traits).
  • Le traité d’iatromathématique explique l’influence de la place des planètes sur les gens nés à cette heure et propose le tableau des signes zodiaques  
  • La partie sur l’astronomie propose un calendrier (p. 201212), des tableaux pour les calculs de calendrier (p. 237, 241242 , 254), un tableau des éclipses lunaires pour les années 1422-1462, avec les dessins du degré de couverture respectif (p. 238239 et 243) mais aussi des pronostics pour le tonnerre, en allemand (p.199) et des pronostics pour la nouvelle année, en latin (p. 217).  
  • La partie consacrée à l’alchimie propose des recettes d’alchimie en latin (pp. 219220).
  • Le traité de chiromancie, en allemand, commence par un dessin à la plume de couleur de deux mains avec les lignes des mains (pp. 244254).  

Le manuscrit, rédigé par différentes mains, provient de la bibliothèque d’Aegidius Tschudi (n° 104). Le texte manuscrit est abrégé car le papier coûte cher : nous avons reconnu quelques mots comme « artê geomâcie » : l’accent circonflexe remplace le « m ». Ce qui revient donc à lire : « artem geomancie ». La première lettre du texte est en rouge qui se dit en latin « ruber » ce qui a donné le mot « rubrique ». Le premier mot est ici complet : « Geomancia ». Dans le deuxième, le S en rouge est l’initiale du mot ainsi orthographié « Secundum ». Nous n’avons pas trouvé l’expression du titre latin de JK.Rowling : « Philosophi lapis » (pierre philosophale) dans cette page du traité manuscrit, étudié lors de notre initiation à la paléographie. D. N. / S2fr / EE Karlsruhe

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