« Handshake Gate » : Un lauréat refuse de serrer la main d’un juge russe
Le monde de la musique classique a récemment été secoué par un événement marquant lors de la 20ème édition du Concours International Reine Elisabeth, un événement prestigieux qui attire chaque année des personnes du monde entier. Ce concours, qui existe depuis 1951, honore l’héritage de la Reine Elisabeth de Belgique, musicienne elle-même, et met en lumière les jeunes prodiges de la musique classique. Mais cette année, un geste a capté l’attention bien au-delà des performances musicales. Le violoniste ukrainien Dmytro Udovychenko, lors de l’annonce du lauréat, s’est déplacé pour serrer les mains des juges un par un, mais lorsqu’il était face à Vadim Repin, le juge russe, il a croisé ses mains derrière son dos. Ce geste symbolique a suscité beaucoup de réactions et pose des questions importantes sur la responsabilité des artistes dans un contexte géopolitique tendu.
Un concours au cœur de la musique classique
Le Concours International Reine Elisabeth est reconnu mondialement pour son rôle dans la promotion des talents musicaux. Depuis sa création, il a vu défiler des artistes prometteurs, dont les carrières ont souvent pris un envol considérable grâce à cette distinction. Cette année, le concours a mis à l’honneur le violon, et Dmytro Udovychenko a su s’imposer parmi les douze finalistes pour remporter le Grand Prix, présidé par un jury composé de musiciens expérimentés, dont le controversé Vadim Repin.
Vadim Repin, historiquement le plus jeune lauréat du concours et à présent juge de ce même concours, a une carrière impressionnante, mais son association avec des institutions soutenues par le régime de Vladimir Poutine soulève des questions éthiques. Sa femme, la ballerine Svetlana Zakharova, témoigne un grand soutien à Poutine. En effet, elle a été députée de la Douma (la chambre basse de l’Assemblée fédérale de la fédération de Russie) de 2007 à 2011, et en 2014 a signé une lettre de « soutien à la politique russe vis à vis de l’Ukraine, dont l’annexion de la Crimée » comme le souligne Xavier Flament dans l’Echo le 2 juin 2024. Zakharova est actuellement membre du Conseil russe des arts nationaux.
La Controverse
Lorsque Dmytro Udovychenko a refusé de serrer la main de Vadim Repin, cela a immédiatement suscité des interrogations. Était-ce simplement une question de nationalité ou un acte empreint d’une signification plus profonde ? Dmytro a interprété une œuvre de Chostakovitch, un compositeur russe, et a serré la main d’un autre juge russe, Dimitri Sitkovetsy, on peut en déduire qu’il ne s’agit pas d’une simple hostilité envers les personnes de nationalité russe. Dans une interview, il a expliqué : « Personnellement, je n’ai rien contre l’artiste, mais sa position est liée à un régime dont je ne peux pas soutenir les actions. Aujourd’hui, mon père est bloqué à Kharkiv, sous les bombes. »
Ce geste a provoqué un débat intense sur les réseaux sociaux. Les opinions varient entre celles qui expriment de la compréhension pour la position d’Udovychenko, et celles qui critiquent son acte, arguant que le concours devrait rester apolitique et que le choix du lauréat ne devrait pas être influencé par sa nationalité. Vadim Repin lui-même a reconnu la complexité de la situation, notamment la pression que ressentent les artistes à traiter de ces questions. Il a ajouté : « Je pense que la façon dont Dmytro a géré la situation était la bonne : respectueuse et courtoise. »
Une Réflexion sur l’Art et la Politique
L’incident du « Handshake Gate » ne se limite pas à un simple échange de poignées de main ; il met en lumière les défis auxquels font face les artistes dans un monde de plus en plus polarisé. Ce geste rappelle que l’art ne peut jamais être totalement dissocié des réalités sociopolitiques. Les artistes, à travers leurs choix, peuvent devenir des voix puissantes pour le changement et la solidarité.
Barbara Jhek Kudryk / S6FRC / EEB1 Uccle