Don’t Look Up : un film désespérément réaliste

Don’t Look Up, film sorti en 2021, à la carrure d’un blockbuster américain, fait néanmoins l’unanimité sur la critique de la société moderne. Enfin, à quelques exceptions près.

Randall Mindy, interprété par Leonardo DiCaprio, et Kate Dibiasky, jouée par Jennifer Lawrence, découvrent qu’une comète tueuse de planète percutera la terre dans 6 mois et 14 jours. S’en suivent de nombreuses péripéties où les personnages principaux tenteront de sensibiliser les gens à cette nouvelle menace qui peut mettre fin à la vie humaine sur terre. Chacune de ces mésaventures met en avant un défaut, un problème de notre société contemporaine. Le film s’inspire et fait un clair parallèle avec la pandémie du covid-19 et le réchauffement climatique.

Une intrigue d’actualité

Le film se penche dès le début sur la difficulté à faire entendre raison, non pas uniquement à la population mais aussi à la classe décisionnelle, les politiciens, souvent plus préoccupés par leur réélection que par les réels problèmes que notre société a à affronter. Ils sont souvent ce qui empêche ou du moins retarde le progrès. Comme le montre bien le film, cette menace cosmique, certifiée par la Nasa et tout un tas d’autres institutions spatiales, est avant tout sous-évaluée par la présidente américaine. Elle se préoccupe plus de qui elle va placer à la table de la cour suprême, que d’une menace mondiale. Elle finira par ailleurs par nommer un shérif totalement incompétent, tout comme son chef de cabinet qui n’est nul autre que son fils. En somme, elle est la caricature parfaite de Donald Trump qui lors de son mandat ne s’est pas gêné pour placer toute sa petite famille à des postes importants. Lors de cet entretien spécial, où le destin de la planète est en jeu, Jason Orlean (le chef de cabinet) en profitera pour faire une blague douteuse sur les universités non prestigieuses, les bien connues Ivy League. C’est pour le réalisateur Adam McKay une façon de montrer l’élitisme qui règne depuis ces dernières années de plus en plus dans la classe politique. C’est d’ailleurs à la fin du film que l’on découvrira que la présidente aura prévu, de toutes façons, en cas d’échec de la part de Nasa et des compagnies privées, une alternative pour la sauver de la destruction de la terre, elle et quelques autres élus. A l’instar du projet Starship d’Elon Musk, elle quittera la terre sur une fusée dotée de capsules d’hibernation, pour se poser sur une planète vivable. Enfin pas pour elle, car elle finira en morceau sous les dents d’un alien sauvage. 

Une époque où règne la satire

Etant donné qu’ils n’obtiennent rien de la part des politiques, Kate et Randall se tournent vers les médias. Soutenus par un journal respecté et invités à l’émission télévisée la plus populaire aux États-Unis, ils espèrent faire comprendre aux gens qu’il faut agir, car le futur de l’humanité en dépend. C’est d’ailleurs autour de cette émission, nommée The Daily Rip, que l’un des messages les plus importants est centré. Au cours de l’émission, ils seront interviewés par les présentateurs, qui ne se rendent apparemment pas compte de la gravité de la situation, ils rigolent, font des blagues, jouent la comédie, bref ils divertissent l’audience. Et c’est bien là tout le problème. Cette tendance qu’ont les media à fournir l’information sous forme de divertissement, sous forme de show, fait fortement penser à de la satire. Qui elle est une façon dont des œuvres littéraires et artistiques critiquent quelqu’un ou quelque chose par l’ironie, par l’humour. Il est vrai que les mauvaises nouvelles sont souvent mieux acceptées quand elles sont présentées de manière satirique. Mais cela n’empêche qu’aujourd’hui les personnes sont conditionnées à consommer de l’information presque uniquement sous forme de show ou de spectacle.

Le divertissement à tout prix

On pourrait par exemple citer l’émission présenté par Cyril Hanouna, Touche pas à mon poste. Cette émission, pour la première fois diffusée en 2010 sur D8 (devenue maintenant C8), est un programme consacré à l’actualité sociétale, médiatique et politique qui fait en moyenne chaque soir 1,5 million de téléspectateurs, avec des records d’audience qui dépassent les 2 millions. Ce qui saute aux yeux la première fois que l’on regarde l’émission, c’est la façon dont tout est pris à la rigolade. Tout est traité de manière à ce que ça fasse rire ; le pire dans tout ça, c’est que l’émission n’est de base pas une émission humoristique mais un programme d’information. Son but officiel n’est pas de divertir, c’est d’informer, de débattre. Le problème est que ce genre de programme inverse le but et le moyen, de façon à ce que le divertissement devienne finalement la fin en soi de l’émission, sans que le spectateur ne s’en rende compte. Et pourquoi ? Tout simplement parce que ça rapporte énormément d’argent. Les gens ne consomment aujourd’hui que du divertissement. Pourquoi s’embêter à parler de choses sérieuses, à se poser des questions, à réfléchir alors que l’on peut juste rigoler sans fournir aucun effort supplémentaire. La subtilité de ce problème est que la différence entre l’amusement et les choses un peu plus sérieuses, qui demandent une certaine attention de la part du consommateur, est de plus en plus floue. Et ce, à cause du contexte actuel, il suffit de voir les dernières élections présidentielles en France, qui ressemblaient plus à une émission de télé réalité qu’à de la politique.

Ce qui est un peu paradoxal dans tout cela, c’est que le film Don’t look Up est sorti exclusivement sur la plateforme Netflix dont le but principal est de divertir ses abonné.e.s. Le film lui-même est réalisé afin que le spectateur se divertisse. Mais c’est justement sur ce type d’œuvre qu’il faut savoir différencier la critique du spectacle.

Les fake news et la cupidité comme cause de la destruction de la planète

Ce qui est flagrant dans le film et qui peut en choquer plus d’un, c’est la similarité entre l’intrigue du film et la réalité que nous vivons. Deux personnages du film sont très comparables à des personnes mondialement connues. Premièrement, la présidente américaine, Janie Orlean, fait fortement penser à Donald Trump. Deuxièmement, Peter Isherwell, un riche entrepreneur spécialisé dans la tech, qui s’est lancé dans la conquête de l’espace, est lui la caricature parfaite d’Elon Musk.

Le film propose une vision assez intéressante sur eux, car il mélange fait réel et fiction pour les critiquer. Le réalisateur a beaucoup axé son film autour des fakes news, un phénomène actuel qui ravage internet et les médias. Il nous montre à quel point les fakes news sont utilisées pas tant pour propager de fausses informations et semer la pagaille, mais surtout pour créer de nouvelles opportunités politiques. Créer de toutes pièces un scandale pour ensuite le pointer du doigt et élaborer toute une idéologie autour constituent une manière de faire malheureusement de plus en plus utilisée. C’est cet aspect-là des fakes news que le réalisateur dénonce. Dans le film, la présidente au pouvoir niera et criera à la manipulation à propos d’un fait incontestable, une comète qui détruira la terre. C’est autour de cette fake news qu’elle construira toute une politique et une propagande qui lui permettra de rester au pouvoir et de calmer les foules par la manipulation. Car en fin de compte, une fake news peut aussi remettre en question la véracité d’un fait réel et proposer une alternative faussée. Ainsi, divulguer des fakes news, c’est crier au fake.

Un rêve américain parsemé de billets verts

Quant à Peter Isherwell, l’entrepreneur humaniste, le portrait que le réalisateur trace de lui n’est pas vraiment positif. Ce mégalomane convaincu qu’il peut à lui seul sauver la terre et en plus de ça en tirer du bénéfice, n’est pas si éloigne de la réalité. C’est justement cette recherche constante du profit qui est critiquée, dans le film. La caricature d’Elon Musk découvre que la comète qui se dirige vers notre planète regorge de métaux précieux et extrêmement prisés. Y voyant une opportunité économique, il décide d’élaborer un plan qui met en danger la survie de notre espèce mais qui, en cas de succès, lui rapporterait gros. C’est un peu cette vision économique et financière du monde qui est mise en question : la recherche du profit à tout prix. Car on le sait bien, même dans les pires crises, il y a tout de même des personnes qui réussiront à en tirer profit. Un film intitulé The Big Short (2015) montre comment un groupe de traders a réussi à faire beaucoup d’argent lors de la crise de 2008, tout en l’aggravant. Dans le film Don’t Look Up, c’est vraiment cette primauté de l’économie et de l’argent sur la vie qui est mise en cause. Pour nous, Européens, il est peut-être difficile de le comprendre mais il faut savoir qu’aux Etats-Unis, cette course au profit et à la croissance économique plutôt qu’au bien-être commun n’est pas un cas isolé. Il suffit de se pencher sur le cas de Martin Shkreli qui, pour son bénéfice personnel, n’a pas hésité à hausser les prix d’un médicament qui était impératif à la survie de certaines personnes.

L’ironie du casting

Pour conclure il y a une dernière chose sur ce film qu’il faut mentionner. Malgré le fait que le film dénonce ouvertement le changement climatique et l’immobilité du monde politique, les super-riches et leur accumulation du pouvoir ainsi que l’emprise que peuvent avoir les célébrités et les médias sur les gens, on ne peut faire abstraction de l’hypocrisie dont il fait preuve. Le casting lui-même est composé de millionnaires qui ne se privent pas d’utiliser leur jet privé pour, ironie du sort, aller recevoir un prix les félicitant de leur engagement pour la planète (Leonardo DiCaprio). Ou bien de stars mondialement connues qui comptabilisent des nombres assourdissant de followers sur les réseaux sociaux… qui ne manquent pas de croire à chaque mot prononcé par leur diva.

Ainsi, même les films qui ont pour but de nous ouvrir les yeux, cachent de tristes réalités dans leurs angles morts.

Jan Doktorič / S7FR / EEB1 Uccle

Sources : Wikipedia, Youtube, AlloCiné

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