Sur les traces des horreurs coloniales
Le jeudi 24 octobre 2019, les élèves de la section française de S5 ont visité le Musée royal de l’Afrique centrale nommé aujourd’hui AfricaMuseum, situé à Tervuren, dans le cadre de leur séquence sur les philosophes des Lumières avec la lecture de Candide de Voltaire et de Cannibale de Didier Daeninckx. L’objectif était de retrouver des traces de l’esclavage évoqué dans le célèbre chapitre 19 sur le « nègre de Surinam » et des exhibitions humaines qui ont eu lieu dans l’ancien musée des colonies aujourd’hui rénové et que raconte aussi Daeninckx dans son roman. Celle des kanaks de Nouvelle Calédonie exhibés au Zoo de Vincennes dans le cadre de l’Exposition coloniale de 1931.
Le musée de l’Afrique Centrale a été construit dans le domaine royal de Tervuren à partir de 1897 sous l’égide de Léopold II. Son rôle était de justifier la colonisation du Congo et sa « mission civilisatrice » en présentant des animaux empaillés et des objets ou marchandises caractéristiques mais aussi des populations autochtones « inférieures ». Ce « Palais des colonies » était conçu comme un véritable outil de propagande mais l’’ensemble du projet ne fut achevé qu’en 1910 après la mort de Léopold II.
Dans le parc du château, aucune trace des zoos humains où ont été présentés 327 Africains en 1897 : des villages artificiels avaient été reconstitués dans lesquels des Africains faisaient figure de « sauvages authentiques ». Sept d’entre eux sont morts là et enterrés près de l’Église de Tervuren. On peut retrouver à l’intérieur du musée quelques photographies et quelques maigres archives de cet événement désormais indigne et inconcevable. A l’extérieur, seule une statue représentant des guerriers indigènes avec des armements traditionnels peut évoquer les stéréotypes coloniaux.
Stéréotypes africains
Le musée a entrepris de 2013 à 2018 une restructuration dans l’optique de représenter la réalité africaine d’aujourd’hui, historique et moderne. Dans cet objectif, de nombreuses statues coloniales (dont le fameux « homme léopard » qu’on retrouve dans Tintin), avec leurs traits grossiers, leurs expressions menaçantes, leurs muscles exagérés, ont été mises à part dans une petite salle nommée « Hors-jeu », qui précède l’entrée dans le bâtiment principal et que beaucoup de visiteurs ne voient pas ! D’autres groupes de statues qui figuraient auparavant en bonne place dans le musée, représentent une vision stéréotypée et inquiétante de la vie africaine.
Dans La Rotonde, qui était l’ancienne entrée majestueuse du musée, nous pouvons observer différentes statues allégoriques présentant des « valeurs civilisatrices » et des statues coloniales d’indigènes au travail. Au milieu de La Rotonde se trouve une œuvre de Freddy Tsimba représentant un visage noir qui a la forme du continent africain pouvant symboliser l’Indépendance et l’ouverture du musée à des artistes africains contemporains.
Des animaux empaillés
En entrant dans la salle de l’histoire coloniale et de l’indépendance, une seule vitrine est consacrée à l’esclavage, où l’on peut voir quelques chaînes d’esclaves tandis que plusieurs autres exposent de nombreux objets de l’époque tels que des tapisseries, des bijoux, des accessoires, des livres de Loi qui permettent au visiteur d’imaginer la vie au temps des colonies. Sur les murs figurent les cartes de l’expansion de la colonisation belge. Une autre installation de Freddy Tsimba à l’extérieur du musée, qui montre des femmes et des enfants sans tête contre l’un des murs du palais, interroge le visiteur sur la violence d’hier et aujourd’hui.
Deux des salles les plus spectaculaires sont celles où sont exposées des collections d’animaux naturalisés. La salle des crocodiles, qui a été conservée telle quelle, expose de nombreux insectes et reptiles dont deux crocodiles impressionnants. On peut voir aussi divers animaux tels que des oiseaux et des mammifères (éléphant, girafe, hippopotame !) empaillés, dont des impalas, aujourd’hui pratiquement disparus. Des fœtus des animaux capturés pour être naturalisés ont été conservés dans du formol. Une gigantesque défense d’éléphant symbolise aussi le pillage systématique de la nature africaine durant la colonisation et les tonnes d’ivoire importées en Belgique.
Le musée veut montrer aujourd’hui la transition entre la passé colonial et le futur. L’architecture est ancienne mais le nouveau musée veut être plus moderne et trouver une symbiose pour incarner le principe central qui figure sur les murs du long passage précédant l’entrée à côté d’une immense pirogue exposée là : « Tout passe sauf le passé ». Mais il s’agit de trouver les moyens de tout montrer et de tout expliquer.
Classe de S5L1 FRD / EEB1 / Uccle