Groom, le nouveau magazine de BD cousin de Spirou

Groom est un nouveau magazine d’informations en bandes dessinées, qui cherche à expliquer l’actualité, aux adolescents en priorité. Le rédacteur en chef de la revue, Damien Perez, est venu à l’école européenne de Bruxelles 1 pour y rencontrer des élèves. La classe de S3L2FRB l’a interviewé.

Comment est né Groom ?

Groom, qui est un magazine composé d’une partie des membres du journal Spirou, est né un peu après l’attentat contre Charlie hebdo. Notre première couverture y a d’ailleurs été consacrée. À Spirou, nous avons été particulièrement touchés par cet attentat parce qu’on attaquait le dessin en tant que mode d’expression et que nous travaillons par le dessin et pour le dessin. On avait décidé alors, pendant un week-end, de faire ce numéro spécial de Spirou pour les victimes, en demandant à nos dessinateurs et à des dessinateurs d’autres journaux de créer des dessins hommages. Et on s’est rendu compte que nos auteurs, qui d’habitude font de l’aventure, de l’humour, plutôt léger et marrant, étaient aussi capables de faire des choses graves avec les deux pieds dans le réel, des choses très intéressantes. On s’est donc dit, après ce numéro de Spirou spécial Charlie, que ça pouvait être bien de proposer à nos auteurs un journal où il pouvaient raconter le monde tel qu’ils le voient et que le dessin permettrait peut-être plus facilement d’expliquer beaucoup de choses aux enfants et aux adolescents (et aussi sans doute aux adultes). La bande dessinée permet de raconter et d’expliquer plus facilement qu’un long reportage écrit sur trois ou quatre pages.

Quel titre de cette revue a été le plus vendu et pourquoi avez-vous appelé cette revue Groom ?

Pour l’instant, celui qui a le plus marché, c’est le premier, sans doute parce qu’il y a eu un effet « nouveauté » qui attire les gens, mais l’actualité des attentats a aussi compté. Les gens ont peut-être aussi été curieux de découvrir l’actualité en BD. Nous avons nommé notre revue Groom parce qu’on travaille tous à la rédaction de Spirou, et Spirou, c’est un groom, c’est son métier, c’est pour ça qu’il porte cet uniforme rouge. Pour les fans de Spirou, on a voulu s’appeler Groom pour montrer qu’on était cousin de Spirou.

Groom est-il un journal d’information ?

Ce qui nous semblait intéressant, c’est qu’on dit souvent que les jeunes ne s’intéressent pas à l’information. Je pense que ce n’est pas vrai du tout, je pense que vous êtes super bien informés sur les réseaux sociaux et vous voyez passer plein d’informations tout le temps. Mais il est important de faire en sorte que vous soyez capables de faire le tri dans ces informations. Sur les réseaux sociaux par exemple, un mensonge qui est répété cinquante, cent, deux cents fois, finit par devenir une vérité d’une certaine manière. C’est tellement répété qu’on finit par y croire. Notre objectif, dans Groom, c’est de vous raconter l’actualité mais toujours par plusieurs axes différents, en recoupant les faits entre eux, pour que vous puissiez vous forger votre propre opinion.

Combien de personnes faut-il pour faire fonctionner un magazine comme Groom et combien de temps cela prend-il d’imprimer tous les exemplaires d’un numéro ?

Nous sommes 4 à travailler à plein temps, mais nous avons aussi beaucoup de collaborateurs extérieurs, qui nous aident sur les sujets précis, comme des auteurs ou des graphistes qui créent les titres et organisent les pages. Au total, il faut près de cinquante personnes, mais pas toutes à plein temps. Ensuite, l’impression est rapide, une journée suffit. Mais c’est la distribution d’un numéro qui peut prendre jusqu’à une semaine.

Combien de fois publiez-vous  votre magazine par an ?

Quand on a commencé ce journal, on avait vraiment envie de le faire, c’est aussi simple que ça, mais il n’y avait pas de plan particulier, on ne savait pas trop combien de numéros on sortirait par an. Actuellement, on en publie deux par an, mais on réfléchit aussi à une formule complémentaire qui serait de réaliser en plus une application pour le téléphone qui permettrait de décrire chaque jour un fait d’actualité en bande dessinée ou en dessin de presse. On va ainsi essayer d’aborder l’actualité mais en la traitant avec une certaine distance. Par exemple, pour les élections qui se préparent en France, plutôt que de parler de d’actualité directe (pourquoi les candidats sont mis en examen), on traitera les thèmes généraux (qu’est-ce que c’est une mise en examen ?).Vous pourrez tester l’application et vous nous direz si elle vous plaît ou pas, cela nous aidera. [groomlemag.com/app]

Participez-vous à la fabrication du magazine Spirou ? Les deux revues sont-elles aussi populaires l’une que l’autre ?

Oui, je travaille chez Spirou où je m’occupe d’une rubrique qui chaque semaine présente quatre albums qui viennent de sortir. C’est ma page hebdomadaire où je fais une interview d’auteur plus la critique des quatre d’albums. A côté de ça, je fais aussi beaucoup de reportages. Par exemple, je suis allé dernièrement sur le tournage du film « Spirou » (qui va sortir en 2018). Groom n’est pas aussi populaire que Spirou car il démarre, mais ce sont les mêmes lecteurs. Les dessinateurs sont principalement les mêmes mais il y a aussi de nouveaux illustrateurs, souvent très jeunes.

Avez-vous des problèmes financiers puisque l’information que vous proposez dans votre magazine est accessible sur internet?

Non, pas vraiment, pour une simple raison : internet fait de l’information à chaud, c’est-à-dire une réaction immédiate et rapide à l’actualité. Pour un site internet ou une chaine d’infos en continu, la ligne éditoriale est simple : une information tombe et le travail du site ou de la chaine est de prendre cette information et de vous la donner sans filtre, même si elle n’est pas certaine. Ces infos à chaud évoluent généralement très vite et peuvent même être contredites au bout de cinq minutes. Nous, on fait de l’info à froid, quand on sait précisément ce qui s’est passé ; quand l’info est stable, nous pouvons faire notre BD sur elle. L’information à chaud ne convient pas vraiment à la BD puisque il faut quelques semaines pour faire une BD. Nous n’avons donc pas de problème à cause d’internet parce que c’est un métier diffèrent.

Est-ce que le prix de vente du magazine permet d’assurer l’équilibre financier ?

En moyenne, nous vendons environ 30 000 exemplaires de chaque numéro, mais on peut considérer que chaque exemplaire est lu par 5 lecteurs. On essaie de faire en sorte que le prix de tous les magazines soit toujours en dessous de 10€. Il faut s’assurer que l’argent qu’on perçoit suffise pour payer les auteurs des bandes dessinées dans le numéro, les matériaux qui servent pour la création des bandes dessinées, et de bien diffuser le numéro. Mais le prix doit être assez bas pour que la plupart des gens puissent l’acheter, tout en permettant d’assurer l’équilibre financier. De plus, les gens qui achètent le premier numéro doivent être assez intéressés pour vouloir acheter les numéros suivants ou pour s’abonner. Ils peuvent recommander ces numéros à leurs amis ou membres de famille.

Qu’est-ce que vous aimez le plus dans votre métier ?

J’aime beaucoup le contact avec les auteurs de BD. Depuis mon enfance je les admire, ils semblaient être pour moi des gens éloignés et mythiques, mais maintenant ils sont devenus des amis et je les connais bien. J’aime aussi voyager pour voir ce qui se passe dans d’autres  parties du monde réellement. Pour le dernier Groom, on a passé du temps dans la jungle de Calais pour voir comment vivaient les gens là-bas et c’était une expérience déstabilisante et humainement très forte.

Quelle a été votre formation pour devenir rédacteur en chef ?

Je n’ai pas eu de formation journalistique particulière. Je travaillais plutôt dans le milieu universitaire mais comme j’étais très fan de BD, j’ai commencé à écrire un petit peu de la BD. Ensuite, j’ai eu envie de faire du journalisme, des interviews, donc j’ai commencé à interviewer les gens pour mon plaisir. Puis j’ai contacté des journaux, je leur ai proposé les interviews, ils ont accepté de plus en plus souvent, et au fur et à mesure, j’ai fait mon trou dans ce métier. C’est vraiment l’école de l’expérience. Au lieu d’avoir la même formation qu’un journaliste classique de manière théorique, j’ai appris ce métier d’une manière pratique, directement.

Est-ce que vous avez toujours aimé la bande dessinée et quel est votre favorite ?

Oui, depuis petit, c’est quelque chose qui m’a toujours parlé et j’ai toujours rêvé de bosser dans ce milieu, bien que j’aie exercé d’autres métiers auparavant. Le journalisme, comme la BD, sont des domaines intéressants parce qu’on peut y arriver sans forcément avoir des diplômes. Je n’ai pas fait d’école de dessin ni de scénario mais pourtant j’ai publié des albums de BD et maintenant, je m’occupe d’une revue de bande dessinée. Quand on est passionné, curieux et qu’on essaye de comprendre des choses, il est toujours possible faire le métier qu’on aime, même si on devient très bon journaliste aussi dans les écoles de journalisme. Je crois que ma BD favorite est celle qui concerne le reportage à Calais nommé « Une année sur un rythme effréné ». Elle me plait particulièrement parce que j’étais sur place et chaque fois que je la lis, ça me rappelle des choses très fortes qu’on a vécues là-bas.

Quelle sorte de matériel utilisez-vous pour réaliser les illustrations ?

Ça dépend vraiment des illustrateurs. Il y a des dessinateurs qui travaillent encore sur du papier, tout simplement, avec des crayons de papier, puis des feutres noirs, de la couleur à la gouache ou à l’aquarelle. Mais d’autres travaillent complètement sur informatique avec une palette graphique. Ils dessinent, ils colorient directement sur la palette. Chaque auteur a sa technique. Le couleur faite à la peinture se perd plus en plus pour une raison tout simple : c’est beaucoup plus compliqué à faire, ça coule, on fait des taches, mais sur informatique vous le faites autant de fois que vous voulez. Pour mettre des couleurs sur les dessins, on utilise des logiciels comme Photoshop ou Illustrator. Concrètement, votre dessin a été fait directement sur l’ordinateur, vous l’avez sur l’écran et après vous le coloriez tout simplement. Et si vous avez dessiné sur du papier, vous scannez la planche, la planche se retrouve sur l’écran et vous la coloriez de la même manière.

De combien de temps avez-vous besoin pour créer une BD ?

Pour faire une planche pour Groom, l’auteur a besoin d’à peu près 3 semaines. Mais, d’ordinaire, le temps de création d’une planche peut être beaucoup plus long car cela dépend de la quantité de texte, du nombre et de la taille des images. D’abord, c’est le travail de scénariste qui doit écrire l’histoire, les paroles, la description des personnages ; puis vient le dessin qui prend du temps. Un dessinateur, s’il est sérieux, doit beaucoup se renseigner sur le sujet qu’il va traiter. Par exemple, dernièrement, pour un sujet sur l’agression d’un jeune homme noir aux USA, il a fallu étudier tous les détails : le visage de la personne, se renseigner sur les lieux comme les rues de Baltimore ou les voitures de police, etc. Donc cela implique un gros travail de documentation. Mais, aujourd’hui, pour cela, internet nous aide énormément.

Est-ce que vous avez des remarques quand vous critiquez les hommes politiques ? 

On a rarement des retours directs. Par exemple, si on a critiqué quelqu’un, la personne ne va pas nous le dire directement, mais elle va le faire savoir à quelqu’un de son entourage.  Puis il va le dire à un journaliste, et ce journaliste va nous le répéter. Si on a fait quelque chose qui ne leur plaît pas, oui, ça finit toujours par arriver à nos oreilles. Donc, notre tâche, c’est de revoir le traitement objectivement et de se dire soit « Oui, il a raison, c’est vrai qu’on est allés un peu trop loin », soit « Non, on a raison ! C’est notre opinion, et on a bien fait de la présenter de cette manière-là ». Toutefois, comme on fait de l’actu à froid, on raconte des choses qui sont à peu près sûres, et sur lesquelles il n’y a pas trop de marge d’erreur. Et comme on n’est pas une presse d’opinion, on ne fait pas de politique. Donc, il y a assez peu de risques qu’on fâche les gens et de trouver qu’on décrit les choses de façon partiale.

Est-ce qu’il vous arrive en tant que rédacteur en chef qu’on vous propose une planche de BD et que vous refusiez de la passer ?

Oui, ça arrive. Je refuse deux ou trois planches par numéro. Soit parce que graphiquement, ça ne me plait pas, et je demande à la personne de la refaire et on voit le résultat. En cas de refus, on est correct, on paie quand même la planche. Soit parce que les contributeurs développent des prises de position qui ne rentrent pas dans la ligne éditoriale du journal.

Comment avez-vous fait pour interviewer le youtubeur le plus connu en France, Cyprien ?

Nous avons contacté Cyprien pour faire une interview et il nous a dit qu’il n’avait pas assez de temps, alors nous l’avons interviewé par téléphone. On lui a posé des questions qu’on a utilisées pour le numéro Groom sur « les réseaux sociaux ». Cyprien nous a aussi raconté un peu comment il vit : il n’a pas beaucoup de temps libre. Il vit dans un quartier où il ne veut pas se faire reconnaître par tout le monde tout le temps. ♦

Classe de S3L2FRB – Ecole européenne de Bruxelles 1

BONUS 1 : UNE PREMIÈRE BANDE DESSINÉE (PAR LES ÉLÈVES)

Voici une bande dessinée originale réalisée après la lecture du dernier numéro de Groom, par deux élèves de S3 L2 : Alva C. et Naomi C.

 

BONUS 2 : UNE SECONDE BANDE DESSINÉE (PAR LES ÉLÈVES)

Voici une bande dessinée originale réalisée après la lecture du dernier numéro de Groom, par trois élèves de S3 L2 : Julia, Inès et Elisabeth.

BONUS 3 : UNE TROISIÈME BANDE DESSINÉE (PAR LES ÉLÈVES)

Voici une bande dessinée originale réalisée après la lecture du dernier numéro de Groom, par trois élèves de S3 L2 : Parnaba et Nicolas.

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