Le HIP-HOP : une culture de contestation enfin représentée aux Jeux Olympiques
Le hip-hop est une culture urbaine née dans les ruines du Bronx au milieu des années 1970. La population, majoritairement ouvrière afro-américaine et portoricaine, est totalement délaissée par les autorités politiques. Se pose alors la question : comment s’en sortir quand on ne peut compter que sur soi-même ?
La première réponse est l’organisation de la communauté en gangs avec tout ce que cela implique : trafic de drogues, violence, etc. La deuxième réponse est le hip-hop. Qui se pose, dès ses origines, comme une alternative à la violence. On retrouve des personnalités importantes comme DJ Kool Herc. Il fait tourner le même disque sur deux platines. Il isole les séquences de rythmes et percussions et les fait durer dans les enceintes : c’est la naissance du « breakbeat », composante essentielle de la musique hip-hop. Il affirme : « On s’entretuait pour rien, on se battait par bêtise, il fallait arrêter tout cela. Faire en sorte de travailler pour la communauté plutôt que de la détruire ». Cette culture tient sur cinq piliers : rap, DJ-ing, b-boying (breaking), graffiti et la connaissance. Un autre pionnier du genre tout aussi important est Afrika Cambaataa qui a créé la Zulu Nation « pour la prise de conscience hip-hop ». En effet, selon lui, « peu importe ta couleur, tu dois savoir qui sont tes ancêtres ». De par son nom tiré d’une tribu sud-africaine qui s’est révoltée contre le colonisateur britannique, la Zulu Nation pousse à une nouvelle prise de conscience, qui s’était enfouie chez tous ces jeunes rappeurs.
L’arrivée en France
La Zulu Nation s’est exportée en France (première terre d’accueil du hip-hop en Europe) dès le début des années 1980 dans les banlieues parisiennes, parmi des populations issues de l’immigration et donc dans les faits stigmatisées, discriminées et souvent pointées du doigt pour tous les maux de la société. Les rappeurs ont donc toujours chroniqué leur quotidien en se mettant en scène : misère sociale, violence, pauvreté ou l’exclusion…
Un pionnier de l’implantation du hip-hop en France est le musicien et animateur télé Sidney. En 1984, son émission « Hip Hop » sur TF1 porte cette culture sur tous les écrans de l’hexagone. Tout aussi important est DJ Dee Nasty dont l’idée est de « prendre toute l’énergie négative des cités et d’en faire quelque chose. Faire avec toute la haine qu’il y a de la musique, de manière à ce que certains s’en sortent et montrent un chemin à d’autres ». Au terrain Stalingrad, il créera, en s’inspirant du style du bronx, des jams (ou block party) où il mettra l’ambiance afin que les jeunes puissent s’ambiancer et s’exprimer. Cependant, le début « officiel » du rap français se pose en parallèle avec les publications d’albums acclamées des rappeurs et groupes comme Mc Solaar, IAM, NTM, etc.
Mouvement de contestation contre la marginalisation et discrimination des immigrés
Aujourd’hui, le rap est écouté (et joué) par beaucoup plus de monde, notamment les jeunes. C’est ainsi qu’il favorise la communication et l’échange entre les gens. Qu’il soit conscient, politique, sale ou purement ludique, il y a un thème qui traverse tous les disques rap du monde : l’importance des racines. Nombreux sont les rappeurs à prendre conscience de leur identité de « jeunes issus de l’immigration ». Cela fait partie d’une quête identitaire, quête d’engagement et un désir d’authenticité qui se traduit dans les textes de façon affective ou politique et contestataire. Ainsi, même un rappeur apolitique fera de la politique en revendiquant ses racines et en assumant le fait qu’il est issu de l’immigration. Et ce besoin de faire le chemin retour pour mieux savoir suit l’esprit de la Zulu Nation. En retournant a leurs racines ancestrales, ils révèlent le traumatisme de générations antérieures dont les voix résonnent encore aujourd’hui. Et c’est par le rap conscient, qu’ils peuvent s’exprimer et cicatriser les plaies. C’est alors, en majorité, une jeunesse africaine et maghrébine, bref une jeunesse fille de l’immigration, qui est poétiquement honorées.
Comme en témoigne le rappeur belge Damso, la culture Hip-Hop a probablement généré des sociétés plus égalitaires : « À mon arrivée en Belgique, l’accueil était violent. Je suis arrivé à l’aéroport, et à la manière dont on m’a regardé, j’ai compris que j’étais Noir. Et que je n’étais pas le bienvenu. Sur ce point, la Belgique a beaucoup changé, ce n’est plus le même pays. Il y a une barrière qui est tombée. Si la Belgique est plus tolérante qu’il y a quinze ans, je pense que ça a à voir avec la place de plus en plus grande qu’a pris l’urbain dans la culture. L’urbain, c’est la mixité et ça change les mentalités. »
Le breaking (enfin) aux Jeux Olympiques de Paris 2024
Dès ses origines, les battles de dance (B-Boying) se posaient comme étant une alternative pacifiste à la compétition et aux rivalités entre les gangs au sein du Bronx. En effet, ceux-ci s’exprimaient et gagnaient du respect en utilisant leurs créativités au lieu de la violence. A Paris, on peut trouver presque chaque week-end des battles ouvertes à tous. En effet, la France est véritablement l’endroit où on retrouve une génération phénoménale de danseurs. Mes préférés sont notamment : Rochka Noel, Kyllian TOTO (aka Kuty, sur instagram : Kutyoff), Alex the Cage (un Belge !) ou Amelymels (une femme qui s’est imposée dans ce mouvement où le genre masculin est dominant) . Ces danseurs participent alors à des battles d’une plus grande renommée comme « Summer dance forever » (Amsterdam) ou le « Black Hole » (Paris).
Ces vacances d’été, je suis allée à un camp de danse à Perpignan organisé notamment par Amelie (aka Amelymels) et Ruth (une danseuse de freestyle provenant de Barcelone). J’ai alors vécu une semaine intensive de cours de danse : du freestyle, chorée, house, Breaking qui m’ont permis d’échanger avec les profs et des jeunes danseurs qui veulent vivre de cette passion. J’ai alors fait la rencontre d’une fille de 19 ans originaire des Antilles qui vit et danse à Paris. Celle-ci représentera Saint-Ouen lors des jeux Olympiques de Paris de Breaking de 2024.
En effet cette compétition sera composée de deux épreuves, une masculine et une féminine, qui verront respectivement 16 B-Boys et 16 B-Girls s’affronter dans des battles spectaculaires (1 VS 1) à la Concorde. Les athlètes improvisent en s’adaptant au son du DJ afin de gagner les votes des juges et remporter le premier titre olympique de Breaking. En effet, c’est à Paris que cette discipline est programmée en tant que sport additionnel en compagnie du surf, du skateboard et de l’escalade. Le Hip-Hop, bien que populaire aux Etats-Unis, n’a pas convaincu ni séduit le comité d’organisation californien de le considérer à nouveau comme ‘Sport additionnel’. Ce domaine ne sera donc pas représenté aux J.-O. de Los Angeles en 2028…
Pour conclure, le hip-hop regroupe via diverses disciplines artistiques des aspects festifs et revendicatifs. Ce mouvement d’expression passive est bien plus qu’un simple hobby. A travers la musique, la danse et le graffiti, il devient un véritable mode de vie qui se définit par des normes et des valeurs communes, ainsi qu’un art propre.
Pola Glinka / S7FRA / EEB1 Uccle