Noms des bâtiments à l’EEB1: place aux femmes !
Est-ce que vous vous êtes déjà demandé pourquoi très peu de bâtiments à l’EEB1 portent des noms de femmes ? En fait, le Fabiola (bâtiment des maternelles) est le seul. Vous avez probablement remarqué les affiches scotchées aux bâtiments depuis ce 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, ces affiches avec des noms de femmes. Selon moi, il faut que ces noms restent là de façon permanente, et je vais vous expliquer pourquoi.
Premièrement, parce que les noms actuels ne reflètent pas suffisamment le rôle des femmes dans l’histoire. Deuxièmement, parce qu’il est important de promouvoir des modèles féminins positifs. On se doute de la façon dont les noms des bâtiments ont été choisis à l’origine : les personnes sélectionnées sont toutes des personnages historiques d’origine européenne avec un impact sur la culture, la science, ou la construction européenne (Léonard de Vinci, Michelangelo, Gutenberg), et on en vient à parler d’eux en classe. Mais pourquoi est-ce que ce sont tous des hommes ?
Notre école a été créée en 1958. Les noms des bâtiments ont été donnés entre les années 1960 à 1990. A cette époque, on le sait bien, on accordait bien moins d’importance à l’égalité entre les genres qu’on le fait aujourd’hui. Peut-être qu’en choisissant les noms, on ne comptait pas exclure les femmes sciemment, mais c’est ce qui est arrivé. Et cela reflète non pas la vérité historique, mais les valeurs de l’époque.
Des injustices systémiques au cours de l’Histoire
A travers les âges, l’éducation des femmes a été jugée superflue, le rôle imposé à la plupart d’entre elles se résumant à enfanter et à s’occuper de leur ménage. Du coup, les femmes ont pu accomplir bien moins de choses, parce que la majorité n’a pas reçu d’éducation, et qu’elle a été confrontée à plus de barrières que d’encouragements. En quelque sorte, nous avons longtemps empêché les femmes de participer à l’Histoire. C’est pour cela que l’importance historique est un critère discutable dans la sélection des noms.
Certes, on pourrait penser que très peu de femmes peuvent être comparées à Platon, à Gutenberg, à Léonard de Vinci, en termes d’importance historique. Mais il en est ainsi parce qu’on a permis aux femmes d’accomplir moins de choses et qu’on les a plus souvent ignorées. Cependant, les femmes marquantes que l’on connaît, celles qui ont beaucoup fait, il ne faut pas les occulter : cela a un impact sur la communauté scolaire.
Est-ce que les élèves de l’école, et notamment ceux du primaire, savent qui sont Simone Veil ou Hedy Lamarr ? Le savez-vous ? On l’accorde, Gutenberg ou De Vinci ont fait des choses plus historiquement marquantes (l’imprimerie et la Joconde, etc.). Mais ne pensez-vous pas que si les élèves étaient familiarisés avec le nom de Simone Veil sur un bâtiment, ils se demanderaient nécessairement qui elle est ? Ils s’intéresseraient à ce qu’elle a fait ? Ils, et surtout elles, sauraient qu’une femme peut faire des choses importantes, au même titre qu’un homme.
Un besoin d’exemples
Pensons aux petites filles, qui ont particulièrement besoin de savoir qu’elles ont le potentiel pour accomplir quelque chose de grand, de beau. Nous avons besoin de modèles de réussite dès le plus jeune âge. On ne leur donne pas ça dans cette école, pas encore.
Le fait est que, lorsqu’on a peu de sources d’information autres que l’école, ce qui est le cas des élèves du primaire par exemple, et comme on parle peu des femmes en cours d’histoire, les élèves peuvent avoir l’impression de vivre dans un monde où les femmes n’ont rien fait d’assez unique pour mériter d’avoir une plaque portant leur nom à la tête d’un bâtiment. Pourquoi ne pas donc rebaptiser 50 % des bâtiments avec des noms de femmes ?
Une parité artificielle
Si on en venait à donner des noms de femmes à certains bâtiments, certains diront qu’on donne aux femmes une place qu’elles ne méritent pas, uniquement pour instaurer une parité artificielle. Ce serait donc en raison de leur genre qu’elles recevraient cet honneur, sans réellement le mériter. Il semble pourtant clair qu’il y ait une légitimité incontestable à ce que les femmes soient représentées. Pas de rayons X sans Marie Curie. Pas de Wifi sans Hedy Lamarr. Elles méritent une reconnaissance et une visibilité, tout autant qu’Aristote ou Erasmus.
On aurait aussi l’impression de dénigrer les personnages actuels. Pourtant, ils méritent tout autant que les femmes qui pourraient les remplacer de figurer à la tête d’un édifice. Il s’agit seulement de laisser une place aux “grandes oubliées de l’histoire”, comme on surnomme les femmes, de créer une représentation plus large, ouverte.
L’héritage de l’EEB1
Il est certain que ces noms sont là depuis très longtemps, que c’est un héritage, un symbole de notre école. Mais les temps ont changé. Les raisons d’il y a 60 ans qui ont poussé l’administration à faire ces choix ne sont plus acceptables dans notre société actuelle. Nous savons maintenant (je l’espère), que les femmes valent autant que les hommes sur le plan intellectuel. Nous savons aussi (j’espère encore) que les femmes ont cruellement besoin d’être représentées sur des sujets valorisants, parce qu’elles n’ont pas pu bénéficier d’une reconnaissance et d’une visibilité dignes de leurs exploits. C’est pourquoi il faut dès maintenant commencer à rendre honneur à ces femmes.
La responsabilité de l’école (et accessoirement de l’UE)
Le traité sur l’Union européenne énonce les valeurs de l’UE. Parmi celles-ci, l’égalité entre les femmes et les hommes. Les écoles européennes sont une sorte d’extension de l’UE, censées partager ses valeurs. Cette exclusion quasi complète des femmes est sexiste dans les faits. L’UE clame son vœu d’égalité des genres, mais l’administration de notre école (elle-même rattachée à L’UE), ne rectifie pas cette injustice ? Pourquoi n’y aurait-il pas les mêmes valeurs en vigueur ici ? Quoi qu’on pense, il y a clairement une incohérence.
Un souhait
Il y a déjà eu des initiatives dans cette école à ce sujet. Par exemple, lors du Bac Day 2019, des élèves de S7 avaient été les premiers à prendre cette initiative. Une pétition fut ensuite créée pour rendre quelques-uns de ces noms permanents, mais elle n’a pas abouti et a été rejetée. Les noms sont donc restés les mêmes.
Ce 8 mars, Journée Internationale des Droits des Femmes, quelques amies et moi avons reproduit cette initiative. Mais cette fois-ci, en 2022, nous devons aller jusqu’au bout. Nous devons obtenir un changement définitif. Il n’y a simplement aucune raison valable à l’absence de représentation des femmes dans notre école. Si l’on a exclu pendant si longtemps, n’est-il pas temps d’inclure ? L’inclusion des femmes ne serait-elle pas méritée ? N’accorde-t-on pas par exemple une compensation à un condamné accusé à tort ? Il en va de même pour les femmes.
On peut rectifier le tir. Ce dont on parle n’est même pas une démarche vraiment vaste. Il s’agit de changer des noms de bâtiments, noms auxquels on attache habituellement peu d’importance. On peut donc penser qu’accorder tant de valeur à cette question est puéril et capricieux. Mais il s’agit d’une question qui aurait dû être réglée depuis longtemps. ll est temps d’aller de l’avant. Une demande va être transmise au CDE, dans le but d’aboutir à ce changement, qui est espéré depuis longtemps.
Texte: Alma Bullier Giraud S5 FRD / EEB1 Uccle
Photos: Sara Couffignal Fajardo S5 FRD / EEB1 Uccle
Super article, très bien écrit, et sur un sujet à notre échelle qui nous concerne tous ! Il faudrait relancer un sondage parmis les élèves!
Merci beaucoup ! On pense d’abord envoyer une demande au CDE pour leur demander que le sondage vienne d’eux, histoire qu’on ait pas l’impression que ca sort de nulle part ou que ce n’est pas sérieux. Si ca marche on proposera une demande formelle a la direction.