Beau succès pour le premier concours d’éloquence

Le concours d’éloquence est un concours intra-écoles européennes bruxelloises. Le principe est d’y venir avec un discours original écrit par ses soins et de le présenter à un public ainsi qu’à un jury composé de parents d’élèves, de professeurs, d’avocats, etc. C’est un concours organisé en plusieurs étapes telles que les pré-sélections, les demi-finales et la finale. Chacune de ces parties avait sa spécificité mais elles gardaient globalement la même structure et le même principe.

La première étape

Les présélections ont eu lieu dans les écoles respectives des candidats se présentant au concours.

A l’EEB1, 12 candidats se sont présentés pour relever le défi, aidés et dirigés par Madame Mathis, professeure de français, ayant donné rendez-vous à ces derniers tous les lundis durant la septième période entre le lundi 14 novembre et la finale. Les présélections se passaient à l’intérieur même de l’école dans laquelle étudiaient les candidats et les départageaient au sein du groupe en interne. Le thème était libre mais il y avait tout de même quelques règles : la durée du discours était limitée et devait respecter un minimum de 4 min 30 et un maximum de 5 min 30, sans quoi une pénalité était appliquée. Il avait aussi un certain nombre d’éléments pris en compte pour l’évaluation finale comme par exemple l’originalité du texte, des arguments cohérents, une bonne élocution, la captation de l’auditoire, etc. Et suite à cette sélection interne, 4 candidats ont été sélectionnés parmi chaque groupe.

Les demi-finales

En ce qui concerne les demi-finales, il y en a eu 2 : tout d’abord la première se passant à EEB2 (Evere Site) à 16h30 le mercredi 8 janvier 2023, à laquelle participaient 8 candidats, dont 2 de chaque école. Ensuite, la seconde s’est déroulée une semaine plus tard, le mercredi 15 janvier 2023 à la même heure à EEB4 (Laeken) et avec le même nombre de candidats.

Divers sujets ont été présentés tels que :

– Nous sommes sans arrêt invités à prendre parti. Pouvons-nous encore changer d’avis ?

– « Il vient une heure ou protester ne suffit plus : après la philosophie, il faut l’action ! » Victor Hugo, Les Misérables ;

– « Je vais vous dire ce que c’est la liberté : ne pas avoir peur ». Nina Simone

– Est-il toujours nécessaire d’avoir des connaissances à l’heure d’internet ?

Les candidats devaient choisir, parmi ces sujets, obligatoirement un sur lequel leur discours allait porter et durer entre 4 mn 30 et 5min 30. Un message a été envoyé sur SMS à tous les participants le dimanche 5 janvier, soit quelques jours avant la première demi-finale. En plus du sujet imposé, un thème d’impro fait pour départager les candidats en cas d’égalité était aussi proposé en enchaînement de leur discours. C’était un thème pioché au hasard dans un bol juste après la fin du discours pour lequel 2 minutes étaient accordées au candidat pour qu’il puisse y réfléchir. Cette épreuve n’avait pas de temps minimum mais était limitée à 3 min. Finalement, 6 des participants des demi-finales ont été retenus pour la grande finale se déroulant à EEB3 (Ixelles) le mercredi 22 mars de 18h à 21h30.

La finale

La finale était différente des autres étapes du concours : toutes les présentations ont eu lieu le même jour. C’est-à-dire que les sujets ont été donnés à 14h, leur écriture a duré 4h au total dont une heure avec le droit d’accès à internet pour de potentielles vérifications ou pour des recherches. En revanche, les candidats avaient tout de même accès illimité aux livres de la bibliothèque de l’école dans laquelle ils écrivaient.

Vers 18h, l’ordre de passage des candidats était pioché au hasard devant le jury et le public (composé de parents, de la directrice, de professeurs, d’amis des compétiteurs, etc.) dans le théâtre de l’établissement. Les discours étaient présentés puis complétés par des sujets d’impro, toujours pris au hasard, avec les 2 minutes de réflexion qui les accompagnent. L’ambiance de la salle était un mélange de stress, d’admiration et de bienveillance, notamment car tous les candidats se soutenaient entre eux. À 21h30 à peu près, les applaudissements et les rideaux clôturèrent ces formidables représentations. Le public est sorti du théâtre accompagné des concurrents laissant ainsi seul le jury dans la salle pour que ses membres puissent délibérer et débattre des places sur le podium de chacun. 20 minutes plus tard, alors que tout le monde échange autour d’un buffet, le jury revient avec les résultats finaux : l’ordre d’annonce des places commence par la fin du classement jusqu’au gagnant. Voici les sujets ainsi que les sujets d’impro proposés par chaque école :

EEB4 : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs » disait Jacques Chirac lors de son discours au Sommet de la Terre le 2 septembre 2002 à Johannesburg. Comme citoyen européen du XXIème siècle, 21 ans après, cette citation vous semble-t-elle encore d’actualité ? 

Sujets d’impro :  – L’œuf ou la poule ? – A cœur vaillant, rien d’impossible.

EEB3 : L’écrivaine et journaliste franco-marocaine Leila SLIMANI déclare, en 2020 : « Il est beaucoup plus facile de s’indigner que de penser. » En tant que jeune citoyen.ne européen.ne, partagez-vous ce point de vue ? 

Sujets d’impro : – Suis ton cœur qui insiste ! – Vers l’infini et au-delà !

EEB2 : Que pensez-vous de cette affirmation de la philosophe et traductrice Barbara Cassin qui milite contre la globalisation des langues : « la langue commune de l’Europe, c’est la traduction » ?

Sujets d’impro : – Si tu veux la paix, prépare la guerre ! – A s’informer de tout, on ne sait jamais rien.

EEB1 (sujet non choisi par les candidats) : Le géographe, journaliste et écrivain Sylvain Tesson affirme que « Vivre mieux aujourd’hui consiste à échapper aux développements du progrès ».

Pensez-vous que les Européens puissent relever ce défi ?

Sujets d’impro : – Faire table rase du passé. – Prendre la tangente.

La gagnante

Le verdict tombe : la gagnante du concours est Ana Marcu, une S6 de la section française de EEB1. Elle a été poussée en premier lieu par son ancienne professeure de français, Mme Poulain, ainsi que par son actuel professeur de Français, M. Luc, à s’inscrire au concours. Elle s’y était inscrite sans vraiment croire qu’elle allait aller aussi loin dans la compétition. Ses discours se sont améliorés au fur et à mesure que la compétition avançait grâce à l’aide incontestable de Mme Mathis (photo) qui était là pour la soutenir et pour lui donner les conseils qui lui ont permis d’en sortir victorieuse. Citons aussi sa mère, qui en connait un rayon sur l’éloquence, et qui lui a permis de développer ses compétences pour jouer au mieux, pour compléter ses textes et pour avoir la meilleure diction possible pour mettre en difficulté ses adversaires.

  • Son sujet pour les sélections internes portait sur la démocratie.
  • Son discours de demi-finale portait sur la citation de Nina Simone : « Je vais vous dire ce que c’est la liberté : ne pas avoir peur ».
  • Son sujet de finale portait sur la citation de Leïla Slimani « Il est beaucoup plus facile de s’indigner que de penser ».

Antonin Ritzenthaler / S5FRC / EEB1 Uccle

Voici son discours pour la finale qu’elle a écrit pendant les 4h imposées :

« Il est beaucoup plus facile de s’indigner que de penser ». La citation est courte, simple, accessible à tous. Il n’y a pas d’artifice, pas de termes sophistiqués, pas de jeux de mots.

« il est beaucoup plus facile de s’indigner que de penser », disait l’écrivaine et journaliste franco-marocaine Leïla Slimani en 2020. L’indignation, le sport préféré de l’être humain. Je ne vais pas mentir, je m’y reconnais moi-même. Comment ne pas succomber à la délicieuse tentation d’attaquer l’autre, de lui faire des reproches, de lui dire combien il se trompe ? C’est d’ailleurs un droit, un droit fondamental dans l’Union Européenne que de pouvoir manifester notre mécontentement vis-à-vis de ceci ou cela. Ainsi, les synonymes de l’indignation pourraient être la liberté de penser, ou bien l’émancipation de la parole. Au final, c’est l’un des piliers de notre chère Union des 27.

Et il est même primordial de pouvoir manifester lorsque colère il y a, afin de changer les choses. Pensez à tous ces évènements historiques, tous ces soulèvements du peuple pour, ensemble, avancer. Mai 68, la chute du mur de Berlin, et, puisque nous sommes le deuxième jour de la saison des bourgeons, le Printemps des peuples en 1848. Ce sont des moments charnière qui ont dessiné le portrait des sociétés actuelles. Sans eux, le monde ne ressemblerait probablement pas à ce qu’il est aujourd’hui. Mais une fois le stade de rébellion, de rage, d’émancipation passé, que se passe-t-il ? Après le hurlement, le silence ? Après le mouvement, la paralysie ? Après la soif de liberté, l’anarchie ?

Je pense que « l’indignation » la plus célèbre dans l’imaginaire collectif demeure la Révolution Française. Après plusieurs dizaines d’années de monarchie absolue, le carcan éclate. En l’espace de quelques mois, Louis XVI est jugé, emprisonné et guillotiné. C’est l’avènement du peuple, la plèbe qui pénètre dans la politique, les esclaves qui dominent enfin le souverain. Énorme euphorie, un séisme patriotique fait trembler Versailles, la balance se rééquilibre. Oui certes, cependant, ne négligez pas s’il vous plait ce qui vient après : Robespierre, la Terreur, la lame tranchante qui s’abat sur la gorge de tout ce qui bouge. 1789, c’est une révolution, mais une révolution inachevée, une révolution impulsive, une révolution irréfléchie sans suite prévue…

Car oui, pour pouvoir réellement changer les choses, pour pouvoir vraiment convaincre l’autre de son point de vue, pour pouvoir mener une révolution, le mode d’emploi est simple : s’arrêter un instant, respirer et … penser !

Penser aux problèmes, penser aux solutions, penser aux autres, penser à soi, penser au Penseur de Rodin.

Pour pouvoir attaquer un ennemi, il faut d’abord le connaître, le cerner, le comprendre. Il ne sert à rien de brandir les armes fièrement et de détruire tout sur son passage, si l’on ne sait pas contre quoi ou contre qui on se bat, ou idéalement avec qui l’on débat. Car je tiens à souligner que la violence est bien le dernier recours de l’incompétence. Je vous laisse méditer, pour tous ceux qui pensent qu’un missile vaut mieux qu’une missive.

Croyez-moi, penser et communiquer son avis pacifiquement sont un antidote bien plus puissant face à la corruption que la colère et la stigmatisation.

Nombreux sont ceux qui me rétorqueront que la pensée, la philosophie, les mots pour l’action, ça ne fonctionne que dans les histoires et chez les riches. Et c’est vrai, tout le monde n’a pas accès à la culture, tout le monde ne peut pas acheter des livres mensuellement, tout le monde ne fait pas de concours d’éloquence pour apprendre à argumenter. Ainsi, oui, il est bien plus facile de « s’indigner que de penser », même « beaucoup plus facile », dit Leïla Slimani. Mais la facilité est-elle la solution idéale ? L’Union Européenne, amalgame d’une pléthore de cultures diverses et variées, se base-t-elle sur la facilité ? L’être humain doit-il se limiter à la facilité ?

Mesdames messieurs, NON ! L’Homme sait faire bien plus que s’égosiller et se battre dans les rues sous la pluie à la première nouvelle loi. L’Homme sait parler, l’Homme sait nuancer, l’Homme sait penser ! Et en tant que citoyens européens, nous nous devons, avec la liste émouvante de droits qui sont les nôtres, d’incarner cet idéal de l’être humain qui a des valeurs et croit en elles. Cessez de suivre les dictats de la foule, libérez-vous de cette uniformisation de la pensée que favorise la colère et défendez, intelligemment, vos convictions. L’année prochaine auront lieu les élections européennes, alors à tous les jeunes qui, comme moi, auront 18 ans en 2024, à vous, cher jury, et sans oublier le public salvateur : VOTEZ ! Symbole de la démocratie et messager plus efficace qu’Hermès, votre vote est la concrétisation de votre pensée… »

Une pensée sur “Beau succès pour le premier concours d’éloquence

  • 16 juin 2023 à 17 h 49 min
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    Que de belles énergies! Bravo à tous les compétiteurs (dont l’auteur de cet article) et félicitations à la Lauréate. Encore Bravo!

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