Un mode de contre-pouvoir politique : la désobéissance civile

Depuis quelques années, le terme « Désobéissance civile » semble abonder sur la place médiatique. Mais qu’en est-il réellement ? Ce concept de révolution pacifique est-il si récent ?

Désobéissance civile ?

Malgré peu de consensus sur une définition précise, tout le monde s’accorde cependant sur certains éléments-clés qui la différencient des autres formes de protestation. Elle repose principalement sur la dimension non violente de l’action, son caractère public et la recherche d’attention médiatique, l’illégalité de la démarche, l’infraction consciente et intentionnelle et sa dimension symbolique appelant à la réaction publique. À cause de ses idéaux, elle ne correspond pas à des termes plus génériques tels que la manifestation (qui s’inscrit dans le cadre légal), la désobéissance criminelle (qui n’a pas de motifs médiatiques) ou encore la révolution (qui est prêtre à recourir à des fins violentes). Mais ce concept, déviant des grandes idées et formes de protestations, serait-il alors novateur?

Note historique

La première apparition du terme nous vient d’un essai d’Henry David Thoreau en 1849. Cependant cette idée de manifestation illégale à toujours été présente dans l’imaginaire collectif. En effet, déjà dans le mythe antique, Antigone va offrir à son frère une sépulture alors que ce dernier est considéré comme un traître à la cité, montrant ainsi sa détermination contre l’ordre établi. “Lysistrata” d’Aristophane aussi reflète cette idée au travers de la grève du sexe, où les femmes athéniennes se refuseront à leurs maris afin d’arrêter l’interminable guerre. Plus contemporains, Martin Luther King, Rosa Parks et d’autres militants ont lutté contre la ségrégation raciale aux Etats-Unis. En Inde, Ghandi, avec sa marche du sel, a promu des idéaux de décolonisation, César Chávez dans ses luttes paysannes, a défendu les droits sociaux en Californie ou Nelson Mandela a lutté en Afrique du Sud pour la fin de l’apartheid. Mais qu’en est-il actuellement?

Actualité

Ces dernières années, les revendications des tous types ont bourgeonné partout et profité également d’une couverture médiatique assez importante. Par exemple, ces derniers mois, les protestations et revendications des agriculteurs et fermiers ont soulevé toute l’Europe. Particulièrement à Bruxelles, siège du Parlement où les tracteurs ont bloqué le centre-ville. On a aussi eu un fort écho du parcours de la jeune prix Nobel de la paix pakistanaise, Malala Yousafzai, pour l’éducation des jeunes filles. En 2018, les gilet jaunes français ont été plus de 750 000 manifestants à bloquer les rues et les routes. La diffusion médiatique a aussi été énorme avec plusieurs films réalisés sur ces actions. Enfin, citons les “éco-terroristes”, ces militants écologiques bravant la loi afin de défendre et alerter sur l’urgence climatique (via notamment le blocage de l’A12 aux Pays-Bas organisé par Extinction Rebellion) ou Code rouge, un mouvement de désobéissance civile belge ayant déjà organisé des actions contre les jets privés, Engie, Total énergie, etc.

Est-ce réellement efficace?

Afin de déterminer une efficacité , il faut déjà revenir au but. En l’occurrence, il s’agit de susciter le débat public sur les sujets revendiqués et de modifier les normes actuelles jugées problématiques. Pour ce faire, une grosse médiatisation des actions est nécessaire afin de créer un réel questionnement au sein même de la société, pour faire évoluer l’opinion favorablement. Une arme populaire très puissante en somme, et qui a été infiniment facilitée par l’utilisation d’Internet. On peut imaginer la force induite par tous ces médias désormais accessibles, non-censurés. C’est une vraie révolution en comparaison des moyens limités et censurés d’antan. Cependant, est-ce que les choses changent réellement pour autant ? Tristement, à part quelques exemples fructueux où une grande communauté s’est réunie autour d’un même combat, la majorité des revendications restent trop peu entendues. De plus, la complexité de la désobéissance civile, qui nécessite une substitution à l’autorité, ne la favorise pas. Comme Stanley Milgram et sa célèbre expérience l’ont démontré, l’autorité, peu importe sa forme, a une terrible emprise sur l’humanité. Cela est accentué par les conséquences judiciaires de la désobéissance civile. La volonté des gens de lutter pour leurs principes et leurs valeurs de cette façon s’en retrouve donc réellement diminuée, ce qui atténue d’autant plus sa portée et, vous l’avez compris, cela constitue un cercle vicieux.

En conclusion, la désobéissance civile est donc un contre-pouvoir de taille auquel le peuple a accès, mais elle nécessite une grande initiative populaire pour permettre à ses militants de parvenir à leurs fins. Tout commence par la mobilisation individuelle. A ce propos, Henry David Thoreau écrivait : “Un homme qui aurait raison contre ses concitoyens constitue déjà une majorité d’un ».

Lilo Le Saux Loudes / S5FRA / EEB1 Uccle

Une pensée sur “Un mode de contre-pouvoir politique : la désobéissance civile

  • 20 avril 2024 à 18 h 15 min
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    Très belle plume Lilo! Un article de qualité comme toujours. MACRON EXPLOSION

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