L’opéra-bouffe de Don Pasquale de Gaetano Donizetti au Staatstheater de Karlsruhe
L’opéra Don Pasquale composé par Gaetano Donizetti en un temps record de onze jours est joué pour la première fois à Paris en 1843. Cet « opéra bouffe » (ou plutôt, selon Donizetti, un « dramma buffo ») contient une grande quantité d’éléments comiques, qui ont assuré son succès. Les paroles en italien étaient surtitrées en allemand. Avant d’aller voir le spectacle, nous avons été invités à imaginer la mise en scène du synopsis et à le jouer sur la scène de notre école, le tout pendant notre cours de français de 90 min. Pari tenu. Nous étions alors fin prêts à confronter notre mise en scène d’amateur à celle du metteur en scène Christoph von Bernuth du Staatstheater de Karlsruhe.
Synopsis
L’œuvre est partagée en trois actes. Le premier acte nous présente les personnages et l’intrigue. Il s’agit d’un vieil célibataire riche, nommé Don Pasquale, qui refuse de donner son héritage à son seul héritier, son neveu Ernesto. Don Pasquale le juge indigne de son héritage, en raison de la jeune veuve pauvre qu’Ernesto préfère épouser au lieu de se décider pour le chemin choisi par son oncle. Ainsi, le vieux célibataire souhaite se trouver une femme. Pour cela, il recherche de l’aide auprès d’un ami, le docteur Malatesta. Cependant, Malatesta décide de jouer un mauvais tour à Don Pasquale en faisant passer Norina, la jeune veuve, pour sa sœur dénommée « Sofronia », et en les laissant contracter un faux mariage. Le deuxième acte nous présente le déroulement de ce plan. Le mariage ne dure que quelques jours. Pendant ce temps, « Sofronia » se révèle une mégère tyrannique, qui désespère le vieil homme accablé de factures dues aux dépenses de sa femme. Un jour Malatesta amène son ami découvrir la tromperie de « Sofronia-Norina » avec Ernesto. Par suite, au troisième acte, Don Pasquale révèle son soulagement de retrouver sa solitude et sa tranquillité.
La Commedia dell’arte
Les personnages de cet opéra correspondent aux personnages types de la Commedia dell’arte. Dans cet opéra, Don Pasquale représente le Pantalone de la Commedia dell’arte. Le Pantalone est un barbon avare possédant une fortune considérable qui cherche à se marier avec des femmes beaucoup plus jeunes, mais se fait piéger. Ernesto lui représente Lelio, le jeune amoureux ou le Pierrot amoureux, clown triste, épris de Colombine-Isabelle, autrement dit Norina. Pierrot porte habituellement des vêtements larges et est caractérisé par sa naïveté. Ceci correspond donc bien à Ernesto tandis que le docteur Malatesta, quant à lui, représente à la fois le rusé Scapin et le savant Dottore. Dans la pièce, Don Pasquale se fait duper par Malatesta. Norina qui correspond à Colombine ou Isabelle est un personnage vif, confiant et libre d’agir selon sa volonté. Norina sait comment manipuler Don Pasquale pour lui faire renoncer à son mariage après avoir profité de son argent. De plus, elle est courageuse d’accepter de suivre le plan de Malatesta. Un attribut important de la Commedia dell’arte sont les déguisements colorés et vifs. Nous retrouvons cet aspect dans certains costumes des personnages, tel que ceux de Don Pasquale et d’Ernesto au début de l’Opéra, qui arbore une couleur rouge éclatante ou encore celui de Norina, quand elle s’apprête à aller au théâtre.
Un parti-pris de modernité
En regardant la pièce, les décors eux-mêmes peuvent être présentés comme des œuvres d’arts. La maison de Don Pasquale possède des hauts murs gris, avec peu de meubles. Elle implique la richesse et le caractère du personnage, sans profondeur, ni amour mais froid. Le décor du troisième tableau du premier acte symbolise la personnalité de Norina. Les grandes armoires turquoise montant presque au plafond, remplies de chaussures qui sont classées par couleurs, montrent le côté superficiel et vain de cette femme. Cependant, cela implique une certaine richesse de Norina, alors que dans la version originale de Donizetti, elle est décrite comme une jeune veuve pauvre.
Les décors et costumes sont très modernes. Les maillots blancs avec des rayures rouges portés de Don Pasquale et Ernesto en début de scène renvoient à la mode de la fin du XXe siècle. Les costumes des hommes, y compris Don Pasquale, Ernest et Malatesta sont également décalés par rapport à l’époque de Donizetti. Seule, la robe de Norina quand elle veut sortir, correspond à la mode du XIXe siècle. Cependant, elle aussi, le long de la pièce, porte des vêtements inappropriés pour l’époque, par exemple le peignoir pendant le premier acte. Ceci vaut également pour les serviteurs et gardes, qui sont habillés en jean avec une veste en cuir. Les décors sont très impressionnants et révèlent les caractères des personnages.
Les ressorts du « Dramma Buffo »
Le mot « Buffo » renvoie au « Bouffon ». Le comique joue donc un rôle très important. En effet, cet opéra représente une certaine forme de satire de la société : celle de la pression exercée sur les mariages des femmes. Si on retrouve plus de deux personnages sur scène, ce qui est très souvent le cas, les personnages comme les serviteurs sont toujours en mouvement. En faisant plus attention à l’arrière-plan, nous pouvons découvrir des expressions du comique de geste, avec notamment le serveur qui trébuche sur la peau du tigre ou quand le docteur Malatesta commence à danser devant les armoires à chaussures de Norina et aussi lorsque le Notaire fait preuve de maladresses répétées en faisant tomber ses dossiers. Le comique de situation concerne Don Pascale dont la situation est absurde et embarrassante, une fois que son épouse se révèle insupportable ou encore quand il découvre que la « Sofronia, sœur » de Malatesta est en fait Norina, l’amante d’Ernesto. Le quiproquo a une réelle force comique.
Nos impressions
L’opéra est très intéressant et drôle à regarder. La scène est saturée de détails. Au premier plan se déroule le dialogue des personnages principaux. En arrière-plan sont les décors captivants, y compris l’armoire de chaussures de Norina. En outre, la musique et les chants des acteurs Donato Du Stefano (Don Pasquale), Martha Eason (Norina), Beomjin Kim (Ernesto) et Malatesta joué par Leonardo Lee m’ont énormément impressionnée. (Madeline VIRNICH)
L’opéra de Don Pasquale de Donizetti est une histoire amusante et agréable à regarder. Elle attire notre attention par la musique, les couleurs, les déguisements et les mouvements comique des acteurs. De plus, c’est une expérience impressionnante surtout avec la modernité de la mise en scène, qui peut être surprenante. (Leni GEORG)
On peut donc dire que la valeur de cette mise en scène de Don Pasquale réside d’une part dans la modernité de la mise en scène et dans la reprise de certains aspects de la commedia dell’arte. Les décors et le jeu d’acteur qui contribue à accentuer le comique de gestes, étaient très bons. (Thomas SCHNEIDER)
J’ai beaucoup aimé les décors et les costumes modernes des différents personnages comme celui de Don Pascale au début de l’œuvre. Le décor que j’ai préféré était celui avec les chaussures de Norina. J’ai apprécié le spectacle et je pense que c’était bien de nous proposer d’assister à des opéras. Cela me montre qu’il peut y avoir différentes approches créatives à partir d’un même livret et je pense que celle-ci était particulièrement réussie (Lola NAISSE)
Leni GEORG – Lola NAISSE – Thomas SCHNEIDER – Madeline VIRNICH (S6fr)
Crédit photo: Staatstheater de Karlsruhe