LE RELATIVISME EN PHILOSOPHIE
Protagoras (en grec ancien, Πρωταγόρας) 1 est un penseur présocratique et professeur du ve siècle av. J.-C. (né vers -490 ; mort vers -420)2. Considéré par Platon comme un sophiste, il est reconnu comme tel par la tradition antique et récente. Déjà renommé de son vivant, Protagoras est resté célèbre pour son agnosticisme avoué et un certain relativisme5. Ses deux citations les plus notoires sont : « Des dieux, je ne sais ni s’ils sont ni s’ils ne sont pas» et « l’homme est la mesure de toutes choses ». Il est également célèbre pour sa thèse « À chacun sa vérité » qui est souvent critiquée car seulement vraie lorsqu’elle est fausse.
En dépit de sa renommée dans l’Antiquité9, très peu de choses sont aujourd’hui connues avec certitude sur la vie de Protagoras10. Comme pour la plupart des sophistes, on ne dispose sur lui que de témoignages et fragments souvent insuffisants pour se prononcer11. On sait qu’il naquit à Abdère, en Thrace, dans la première moitié du ve siècle av. J.-C.12, d’un père nommé Méandre (ou Méandrios)13,N 2. Il est établi qu’il fit plusieurs séjours à Athènes14, où il fut proche de Périclès15. Le reste de nos informations est moins assuré, car les sources disponibles sur Protagoras sont parfois divergentes. Il serait selon certains d’origine modeste, selon d’autres issu d’une famille riche16. Il aurait été disciple de Démocrite, ou à l’inverse maître de celui-ci16. Alors que Platon le dit avoir joui d’une estime générale jusqu’à sa mort17, d’autres le présentent condamné par la justice athénienne et contraint de fuir la cité18. La vie de l’auteur est ainsi entourée d’une part de légende19.
Les dates précises de Protagoras sont incertaines20. Après avoir un temps proposé -48521, les recherches contemporaines font désormais naître Protagoras vers -49022. Elles suivent ainsi la chronologie d’Apollodore, et la date plus précise de -492 est parfois avancée23. Platon affirme que le sophiste serait mort à 70 ans17, ce qui situerait sa mort vers -420. Bien que d’autres sources parlent d’un décès vers 90 ans24, c’est la date de -420 qu’on retient aujourd’hui.
Concernant sa jeunesse et ses origines sociales, deux versions existent. Selon Philostrate25, le père de Protagoras aurait été l’un des plus riches Thraces, et aurait même hébergé le roi perse Xerxès Ier lors de la seconde guerre médique. À cette occasion, Protagoras aurait pu fréquenter et être éduqué par des mages perses, à l’instar de Démocrite. Les historiens de la philosophie considèrent toutefois cette anecdote comme une légende, peut-être fabriquée pour expliquer l’agnosticisme de Protagoras par des influences étrangères26. L’hypothèse d’un Protagoras riche mais sans lien avec les Perses n’est toutefois pas exclue27.
À l’opposé, Diogène Laërce28 rapporte qu’il était d’origine humble, exerçant au départ un travail manuel. Protagoras aurait été portefaix29, et aurait inventé la tulè, élément qui sert à porter des fardeaux30. Son ingéniosité l’aurait fait remarquer par Démocrite, qui l’aurait pris pour disciple31. Cette version s’accorde toutefois mal avec les dates actuellement retenues pour Démocrite (naissance vers -460, soit de 30 ans plus jeune que Protagoras). L’hypothèse d’un lien personnel entre Démocrite et Protagoras pourrait être elle-même une invention tardive32.
Devenu sophiste, Protagoras séjourna plusieurs fois à Athènes. Sa première visite pourrait dater de -46033. Il semble avoir été présent en -444, période à laquelle Périclès lui aurait confié la rédaction de la constitution d’une nouvelle colonie34. D’autres visites en -432 et en -420 sont susceptibles d’avoir eu lieu, soit respectivement avant la guerre du Péloponnèse et après la mort de Périclès35. Au-delà d’Athènes, Platon attribue à Protagoras une visite en Sicile36.
Plusieurs témoignages suggèrent un lien entre Périclès et Protagoras. Ce dernier aurait été suffisamment proche de Périclès pour s’entretenir une journée entière avec lui sur une question de responsabilité juridique37, et ses vues politiques auraient été assez favorables à la démocratie pour que Périclès lui confie l’établissement d’une constitution38. Diogène39 rapporte en effet que Protagoras a été choisi pour donner des lois aux habitants de Thourioi, colonie fondée pour remplacer Sybaris après sa destruction. Si la constitution finale n’a pas été d’esprit spécifiquement démocratique, le mandat donné à Protagoras indiquerait une proximité minimale entre le sophiste et le pouvoir athénien.