Un changement d’échelle au MUNUCCLE 2023 : les mécanismes politiques mieux représentés d’année en année
Un changement d’échelle
Le MUNUCCLE se présente comme une modélisation longue de 3 jours environ qui s’intéresse aux grands enjeux du monde actuel. Mais il n’en était pas ainsi au départ : le MUNUCCLE est organisé pour la première fois il y a six ans et ne rassemble alors que 60 personnes. Deux types de rôles sont distribués : « délégué », qui représente un pays, et « président », qui prépare un rapport détaillant la problématique attachée à chaque comité, et qui préside les débats entre délégués. Mais dès la deuxième année, le MUNUCCLE a gagné en popularité et en nombre de participants, passant de 60 à 250 d’une année sur l’autre, et pour, six ans plus tard en 2023, atteindre 320.
Un retour au présentiel
Pour le délégué, le MUNUCCLE permet de s’entraîner au débat et de défendre des opinions parfois opposées aux siennes. Ce vœu est resté, mais ces aboutissements sont probablement plus concrets que jamais. Il faut préciser que la modélisation se déroule en présentiel pour la première fois depuis 2019, et que cela suppose une modélisation de nature très différente, que ce soit dans la manière de communiquer des délégués ou dans l’application des procédures facilitée par le présentiel.
Une ambition décuplée
Plus important encore, l’édition 2023 du MUNUCCLE s’est déroulée dans les locaux du Parlement européen, Place du Luxembourg, à Bruxelles, en Belgique. Des interventions de la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, ou d’Isabelle Durant, ancienne vice-présidente de ce même parlement (2009-2014) et ancienne directrice adjointe de la CNUCED, ainsi que de Camilla Bruckner, directrice du bureau de l’ONU et du PNUD à Bruxelles, montrent l’importance des enjeux présents. On discerne ici une ferme volonté de la part des institutions européennes, que ce soit l’École européenne de Bruxelles 1 (d’où proviennent les professeurs organisateurs et qui soutient le projet) ou du Parlement européen, d’offrir une expérience unique aux participants, et même éventuellement de former assidûment une nouvelle génération de fonctionnaires européens. Le MUNUCCLE cette année gagne donc en ambition.
Journaliste au MUNUCCLE : un rôle périlleux
Grâce à cela, de façon toute naturelle, les délégués ont l’opportunité de communiquer de manière plus libre et plus fine que par visio-conférence, en étant certaines fois plus francs dans leurs intentions. Par exemple, étant assignée au Conseil économique et social (ECOSOC) de l’ONU, j’essayais de réunir quelques informations sur les différentes résolutions qui se préparaient lors des débats informels et m’adressais à la déléguée de la Chine. Cette dernière, à premier abord, me semblait sympathique et me présenta sa résolution et ses alliances. Après l’avoir remerciée et avoir commencé à m’éloigner, j’ai pourtant senti quelque chose retenir le bas de ma veste et une voix glaçante me chuchoter dans l’oreille : “Ne dis rien sur moi sinon je prends ton mari et tes enfants en otage.” Je risque ma vie pour vous rapporter ces faits, mais mon devoir de journaliste me voit contrainte à mettre ma propre vie en danger. On voit donc que le rôle de journaliste, qui assiste aux débats et écrit des articles en rapportant sur un sujet de son choix, est ainsi placé cette année dans un contexte très proche de celui d’un reporter version réelle. Auparavant, puisque les débats se déroulaient en ligne, les journalistes avaient peu souvent l’opportunité de se mêler aux délégués, lors des débats informels pour la plupart, et glaner quelques informations discrètement.
L’accès à l’information, bien qu’il ne soit pas bloqué par les délégués, en règle générale, engage cette année les mêmes mécanismes que s’il s’agissait d’enjeux réels. Pour obtenir certaines informations confidentielles, les journalistes peuvent essayer d’amadouer les huissiers qui font passer des messages secrets entre délégués, dans le but d’obtenir certaines informations sensibles. De façon très réaliste, les huissiers sont perméables à la flatterie et sensibles à l’appât du gain : et les pots-de-vin imaginaires sont quelquefois efficaces, permettant aux journalistes d’obtenir des scoops époustouflants (la Suisse essaie de forcer les Émirats arabes unis à voter, en lui envoyant de multiples mots d’affilée). Le rôle d’huissier, absolument nouveau dans la modélisation, ajoute donc lui aussi une nouvelle couche de réalisme.
Lobbyistes en force
Là où la modélisation a une dimension supplémentaire, c’est par la présence de lobbyistes. Les lobbyistes représentent des organisations, gouvernementales ou non, qui participent aux débats mais qui n’ont pas de droit de vote, et qui tentent d’influencer la prise de décision en fonction des intérêts de leur organisation. Lors de cette modélisation par exemple, le lobby de l’Ukraine a réussi à faire passer un amendement permettant l’intervention des Casques bleus sur le sol ukrainien dans le but d’empêcher l’atteinte à la sécurité des civils. Les lobbyistes sont donc réellement des acteurs de poids dans cette modélisation, ce qui est le cas dans la vraie vie. Grâce à ce rôle, les fils du pouvoir et leurs entrelacements sont représentés de façon encore plus claire.
Conclusion
On voit donc que le MUNUCCLE a énormément gagné en complexité, et offre une expérience de plus en plus riche à ses participants, qui leur permet de mieux comprendre certains mécanismes politiques sous-jacents, concernant l’accès à l’information, et tels que la pression et la manipulation de la part d’organisations externes. Le résultat est un vrai théâtre des politiques internationales modernes, et le MUNUCCLE s’établit décidément comme l’expérience d’une vie pour ses participants.
Alma Bullier Giraud / S7FRD / EEB1
Crédits Photos: Amélie Walton, Camille Bichet, Alma Bullier Giraud