Reste-t-il encore de l’espoir après la COP26 ?
Présent dans chaque discours politique, que ce soit dans l’agriculture, l’industrie, la culture, ou l’économie, le changement climatique fait maintenant partie intégrante de notre société. Le monde a besoin de changements radicaux de notre mode de consommation et de production. Que ce soient des militants, des scientifiques, des activistes, des politiciens ou des journalistes, tous se l’accordent : on a besoin de prendre des mesures radicales au niveau mondial, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) et pour se maintenir en dessous des 2 degrés de hausse des températures estimés par les scientifiques.
Malgré le sentiment d’urgence et la grande sensibilisation de la population, des mesures efficaces ont-elles vraiment été prises ? Des mesures pragmatiques, durables et mondiales ? Car, refuser les sacs plastique en magasin ou décider de prendre plus de transports en commun de façon individuelle, c’est bien. Mais cela ne représente qu’une minuscule fraction des émissions totales des GES. Quand on compare le poids d’un pays en tant qu’émetteur de GES, la consommation individuelle en devient risible. Par exemple, la Chine rejette 28 % et les Etats-Unis et l’Union Européenne un tiers des émissions totales. C’est donc au niveau des pays qu’il faut prendre des décisions favorables à la réduction de ces émissions, qui sont les principales responsables du changement climatique.
Le rôle des COP
Les COP (Conference Of the Parties) se tiennent depuis 1979 pour coordonner ces décisions entre pays. Ce sont les réunions les plus importantes dans l’agenda des négociations internationales sur le climat, et elles réunissent chaque année les 197 pays signataires de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, mais aussi des ONG, militants, scientifiques, activistes, tous concernés par la lutte contre le changement climatique.
Les COP les plus connues sont notamment celles de Rio, Kyoto, Paris, Copenhague… Connues car ce sont les seules qui aient abouti à des mesures concrètes. L’avancée la plus notable est la création de l’Accord de Paris, à la COP 21, visant à limiter le réchauffement à 1,5°C, voir 2°C par rapport au niveau préindustriel.
Il y a quelques mois, la COP 26 s’est tenue à Glasgow. De nombreux espoirs étaient placés dans cette conférence, en tant que premier sommet où seraient examinés les progrès accomplis – ou non – depuis la signature de l’accord de Paris sur le climat. Malgré l’importance de cette conférence, cette COP s’est soldée par la déception du public et des organisateurs ; et le président de la COP 26 lui-même n’a pu retenir ses larmes face aux maigres progrès réalisés par rapport aux attentes portées.
Pourquoi aucun progrès notable n’a été réalisé ?
Un obstacle de taille était présent à cette conférence et entravait les négociations. Cet obstacle, c’est le clivage entre les pays développés et les pays en voie de développement, séparation implicite qui a toujours été présente dans les COP. En effet, il est difficile de trouver un accord entre les pays riches et les pays pauvres. Les pays développés sont les principaux responsables du rejet d’émissions de GES et les plus gros pollueurs des dernières décennies, ayant propulsé leurs économies grâce à l’exploitation de matériaux et énergies fossiles, comme le charbon ou le pétrole (et débuté à l’ère industrielle). Ces pays, ayant réalisé leur développement sur l’exploitation de ces ressources polluantes, peuvent maintenant se permettre une transition vers des énergies renouvelables, à l’inverse des pays pauvres.
Reposant entièrement sur leur production et exportation de matériaux et énergies non renouvelables, comme l’extraction du pétrole, du cobalt ou du charbon, les pays “du sud” ont besoin des revenus apportés par cette exploitation pour se développer. Ils ne sont donc pas forcément enclins à abandonner cette production. Ces pays avancent aussi le fait qu’ils ne sont pas responsables (ou de façon vraiment minime) de la hausse des températures, et sont malgré tout les plus touchés par les catastrophes qui y sont liées.
Pour remédier à cette injustice et à cette séparation entre pays, les pays développés ont lancé tout au long de l’histoire des COP des initiatives de collectes de fonds pour les pays en voie de développement. Une promesse majeure avait été faite à la COP de 2009, où les pays développés avaient promis de récolter 100 milliards de dollars par an à partir de 2020 à l’attention des pays en voie de développement, pour les aider à réduire leurs émissions et à s’adapter au changement climatique. Malgré tout, le compte n’y est toujours pas, ni en 2020 ni en 2021, ce qui a été une grosse déception de la part des pays pauvres. Mais les représentants de ces pays ont affirmé avoir de grands espoirs pour recevoir le fonds en 2023, et les pays développés se sont également engagés à doubler l’aide préventive et de reconstruction par rapport aux dégâts causés par le changement climatique (catastrophes comme des ouragans, inondations, sécheresses…) dans les pays pauvres.
Désaccords sur le charbon
La plus grosse déception de cette vingt-sixième COP a été l’intervention de l’Inde (avec le soutien de la Chine, de l’Afrique du Sud et de la Bolivie), en dernière minute, pour amender l’accord principal visant à se passer définitivement du charbon dans les années à venir, qui était pratiquement acquis, après des semaines de négociations entre les 197 pays. Le représentant indien a voulu changer la notion “d’arrêt total” du charbon par « diminution progressive”, proposition finalement acceptée par le reste des pays, par peur que l’accord ne passe pas. Ce coup de théâtre a déçu et frustré un grand nombre de personnes. Cette déclaration est néanmoins historique car la désignation du charbon comme étant la ressource dont il va falloir apprendre à se passer pour sauver la planète est sans précédent, et c’est la première fois dans l’histoire des COP qu’il y a prise de conscience et motivation de stopper la production d’énergies fossiles.
Quelques projets sont malgré tout ressortis de ces deux semaines de négociations. Une centaine de pays – dont le Brésil – ont décidé d’arrêter (ou au moins de réduire) la déforestation d’ici 2030. Trente pays ont aussi décidé de ne plus subventionner les projets d’énergies non-renouvelables à l’étranger d’ici 2023. Douze pays – dont la France – se sont engagés à ne plus donner de nouvelles concessions pour aider à exploiter le pétrole et le gaz sur leur territoire, et à fixer une fin d’exploitation de ces hydrocarbures. Certains pays se sont aussi engagés à réduire leurs émissions de méthane de 30% … aussi d’ici 2030.
Peut-on croire à ces promesses ?
“d’ici 2030”, “nous nous engageons”, “d’ici cinq ans”, “ en 2050” “nous encourageons », “ à la prochaine cop”… Tant de promesses, mais peu d’actions concrètes et immédiates.
Aux anciennes COP, les décisions étaient fixées à 2020. Maintenant que cette date est passée (et très peu des engagements promis remplis), les dirigeants ne semblent que reporter cette date d’une décennie… ou de trois. Il n’y a aucune autre manière de faire respecter les promesses des politiciens qu’un caractère législatif et contraignant soit inclus dans les engagements signés. Mais la plupart des pays décident d’enlever ce caractère contraignant… Ce qui fait que rien ne les oblige à tenir leurs projets de réduction des GES, ou d’investissement dans les énergies durables. Si tous les plans et promesses des pays étaient respectés, le réchauffement de l’atmosphère se limiterait à 2,7 degrés… Ce qui n’est toujours pas suffisant ni près de l’objectif des 1,5 degrés estimés par les scientifiques pour limiter les dégâts que causera (et cause déjà) le changement climatique.
Et quand on sait que notre système politique est axé sur la maximisation du profit individuel au-dessus de la viabilité du futur, on comprend qu’il y a très peu de chances que ces objectifs soient vraiment tenus d’ici 2030 ou 2050. Et que, s’ils aboutissent un jour, il sera indéniablement trop tard.
Et maintenant ? Un peu d’espoir ?
Il nous reste huit ans. Huit ans pour réussir à limiter la hausse des températures à 1,5 degrés en réduisant nos émissions. Et pour y parvenir, les Etats doivent être sept fois plus ambitieux que leurs objectifs actuels. Tous les espoirs se placent maintenant dans cette année 2022, année qui s’annonce importante contre la lutte du changement climatique. C’est l’année du tant attendu nouveau rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), qui publie des évaluations climatologiques tous les six à sept ans (le dernier rapport datant de l’Accord de Paris en 2015). De nombreuses conférences très importantes axées autour du climat prendront aussi place en 2022, comme la “Semaine du climat du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord”, la “Conférence des Nations Unies sur la biodiversité”, le “XVe Congrès forestier mondial”, la “15e Conférence des Nations Unies sur la désertification”, “Stockholm+50”, le “11e Forum urbain mondial”, et la “Conférence des Nations Unies sur les océans”.
Et puis, bien sûr, il y aura la COP 27, en Egypte. Elle permettra de faire progresser les discussions mondiales sur le climat et de mobiliser plus de moyens d’action. Elle permettra aussi à la communauté internationale de se pencher sur la question de la vulnérabilité de l’Afrique face au changement climatique. Les espoirs sont, encore une fois, portés sur cette prochaine COP. L’histoire se répète peut-être, et cette prochaine conférence sur le climat sera probablement décevante. Il est également probable que les dirigeants mondiaux n’arriveront pas à trouver des accords assez ambitieux pour réduire de 45% nos émissions de GES d’ici 2030. Mais l’espoir existe bel et bien, aussi ténu soit-il. Il est peut-être temps de responsabiliser les Etats dans leur inaction, et de prendre des mesures efficaces, et non mises en place dans un futur lointain, mais maintenant. Car c’est ce qu’on fait de nos actions à présent qui formera le monde dans lequel nous vivrons dans le futur.
Sara COUFFIGNAL / S5FRD / EEB1 Uccle
C’est si bien écrit ! Et tu es super bien renseignée sur le sujet, bravo !