Fashion Week 2022 : La course au meilleur défilé

Pour ceux qui ne sauraient pas ce qu’est la Fashion Week, ce terme désigne une semaine de mode pendant laquelle des créateurs du monde entier présentent leurs collections, pour les saisons à venir. Il y a toujours 2 Fashion Weeks par type de vêtement dans une année, consacrées soit à la Haute Couture, soit à la mode masculine ainsi qu’à la mode prêt-à-porter. Ces 2 dernières sont présentées dans 4 villes, appelées également « les capitales de la mode » qui sont New York City, Londres, Milan et Paris. Les semaines de la mode débutent toujours dans la ville américaine.

La pandémie a conduit presque tous les secteurs à arrêter ou à fortement limiter leur activité, y compris le secteur de la mode. Depuis que nous avons enfin pu reprendre les shows, il semble y avoir une rivalité constante concernant qui réalisera non seulement la meilleure collection, mais également le défilé le plus grandiose, le plus marquant, dans un décor improbable ou une scénographie énorme. On peut penser que cela a toujours été le cas, mais cette saison a été une vraie bataille.

Diesel

La semaine de la mode à Milan a commencé le lundi 20 septembre et s’est terminée le vendredi suivant. Le mardi 21 septembre, nous avons vu certainement un des défilés les plus inoubliables, alors que la semaine venait à peine de débuter.

Ce jour-là, c’est Diesel qui a présenté sa nouvelle collection. Glenn Martens, le nouveau directeur artistique belge de la marque depuis 2021, révolutionne absolument les codes. Diesel est une marque associée au jean et cuir depuis bien longtemps, néanmoins le créateur belge revisite ces textiles d’une manière stupéfiante. En septembre, du denim en toutes couleurs, en passant par les plus simples et classiques : bleus, gris, noir. La matière a été présentée sous une diversité de nuances et de tons : foncé, décoloré, lavé, clair, sombre et même des couleurs vibrantes, comme de l’orange éclatant . La couleur n’était pas la seule chose que Glenn Martens expérimentait, il y avait également les formes, en passant des pantalons classiques, des jeans qu’on a l’habitude de voir dans la rue, à des chemises, vestes, robes et sacs en denim et cuir. Des tailles variées, du moulant aux vêtements « baggy » et « oversized ».

Néanmoins, l’esprit créatif et l’imagination du nouveau créateur artistique ne s’arrêtent pas à la collection. Loin de là ! Diesel pousse encore les limites avec la scénographie du défilé : la structure gonflable la plus grande du monde, littéralement. Le livre des records Guinness a approuvé ce record à la fin du show. La statue, représentant des humains qui s’entremêlent, était posée au milieu de l’énorme salle et les mannequins poursuivaient leur marche en zigzaguant à travers le bas de la structure. Des invités prestigieux et une musique moderne s’ajoutaient au spectacle incroyable offert par Glenn Martens.

Gucci

Le deuxième défilé auquel personne ne s’attendait cette saison est venu d’Alessandro Michele, le directeur artistique de la maison de luxe Gucci depuis 2015. Le spectacle débute avec une silhouette totalement noire, à part un col rose qui dépasse d’en dessous du costume. On peut se dire qu’il n’y a rien de frappant pour une ouverture. Les silhouettes suivantes sont un peu plus extravagantes, comme on en a l’habitude chez Gucci. Des formes audacieuses, des combinaisons de couleurs atypiques ainsi que des motifs que personne d’autre n’aurait oser tenter. Nous remarquons néanmoins des bijoux spéciaux sur quelques mannequins. D’imposantes pièces brillantes sont placées sur différents endroits du visage et ensuite pendent de quelques dizaines de centimètres. Ceci semble être la seule innovation de cette saison.

Alors que nous sommes à la moitié de la présentation, quelque chose d’anormal se passe. Le mur semble se lever. Et oui, c’est exact. Un mur séparait la grande salle en deux, sans que les spectateurs ne s’en rendent compte. On découvre alors que l’autre côté est un reflet miroir. Les invités se trouvant de l’autre côté assistaient au même défilé en même temps. Mais est-ce même possible ? Où étaient donc les mannequins ? Le directeur artistique italien nous a tous surpris. Chaque silhouette était créée en double et était portée par 2 modèles, qui étaient des jumeaux. La célèbre maison a donc concocté une véritable surprise pour cette saison. 68 paires de jumeaux, donc 136 individus.

Le créateur voulait de cette façon transmettre un message plus profond sur ce qu’est l’identité et l’altérité de chacun.e de nous, mais également sur les liens plus spéciaux. Alessandro Michele avoue au début de son spectacle être un enfant d’une femme qui partageait ses gènes avec sa sœur jumelle, néanmoins toutes les deux étaient uniques en son genre et le lien d’intimité qui les liait était incompréhensible aux personnes extérieures.

Saint Laurent

Pendant la semaine de la mode parisienne nous avons également vu des défilés hors du commun et spectaculaires. La maison Yves Saint Laurent a présenté son défilé le mardi 27 septembre. Pour cette collection Printemps / Été 2023, Anthony Vaccarello ne nous a pas surpris par rapport aux vêtements. Le directeur artistique belge n’adopte que quelques modifications, et décide de garder les pièces iconiques de la marque et ainsi les retravailler.

Des mannequins grandes et fines, des trench-coats tombant jusqu’au sol et des robes de soirée. Les grandes vestes aux formes masculines, aux grandes épaulettes viennent enrober la femme de haut en bas en lui donnant un air décidé et affirmé. Les robes de soirée sont comme d’habitude moulantes, longues, splendides. Le tout reste dans une gamme de teintes plutôt sombres. On remarque du noir, du blanc, du beige, du brun, mais également des couleurs qui attirent tout de suite l’œil dans cet ensemble monotone. Du bleu marine pour des robes de soirée, mais également une sorte de jaune foncé pour une autre création, plus légère. Toutes ces créations une image parfaite de l’esprit Saint Laurent. La représentation d’une femme affirmée, qui n’a peur de rien ni de personne et qui est toujours élégante à n’importe quel moment de la journée. En soi, une femme fatale. Mais Anthony Vaccarello ne pouvait pas juste s’arrêter là. Bien évidemment, le Belge prévoit les choses en grand, très grand. Son défilé de 20h00 a eu lieu sur la place du Trocadéro dans la capitale française, juste en face de la Tour Eiffel. Une des places touristiques les plus reconnaissables d’Europe a été privatisée pour l’occasion. Les mannequins défilent donc autour de la fontaine principale sur ses bords mouillés, tel le parvis parisien de Saint-Germain-des-Prés après une légère pluie.

Même si la maison Saint Laurent est habituée depuis un moment à montrer ses nouvelles collections à cet endroit précis, il est indéniable que le show reste toujours aussi grandiose.

Coperni

La marque de luxe qui a fait énormément de bruit ces dernières saisons nous a offert un des meilleurs spectacles, ou même le meilleur. C’est en 2013 que commence toute l’histoire de cette maison qui est dirigée par deux personnes. Un couple qui a créé sa propre marque en guise de célébration de son amour. L’entreprise a été nommée en référence au célèbre scientifique Nicolas Copernic qui affirmait sa théorie héliocentrique. Depuis, la maison ne cesse d’étonner ainsi que de s’élargir. Pour la saison Printemps / Été, Coperni a présenté sa nouvelle collection le vendredi 30 septembre au musée des Arts et Métiers, dans la pièce des textiles.

Le défilé débute avec une robe de soirée noire, assez ouverte et beaucoup de découpes, néanmoins cachée sous un blazer à la forme plutôt masculine. Cela nous met déjà sur la piste que Sébastien Meyer prépare quelque chose. Chez Coperni nous étions toujours habitués à de belles robes de soirée aux découpes audacieuses, mettant en valeur la femme qu’elle enrobe, tout en restant dans l’élégance. Toutes les créations de cette saison sont telles une plaine de jeu pour les directeurs artistiques, qui jouent avec l’entièreté des codes de la mode féminine. En passant de leurs robes élégantes ou blazers au jupes, hauts au décolleté profond et même pantalons taille ultra basse, qui donnent un effet de string qui dépasse d’en dessous.

On voit encore quelques tenues classiques passer avant la première surprise. Une robe rouge, simple, mais qui fait référence au film Matrix. Plus spécifiquement au moment où l’on voit Fiona Johnson vêtue de manière similaire, ce qui signifie l’erreur dans le Matrix, le bug.

Les coups inattendus s’enchaînent. Un débardeur, suivi d’une robe en verre. Plus précisément en éclats de verre, polis et cousus à de la soie. Impossible de passer inaperçu. Les créations sont si bruyantes qu’elles donnent l’impression d’un miroir qui se brise en mille morceaux. Ceci peut rappeler les écailles d’un poisson ou même d’un reptile. Néanmoins, ce qu’il y a de plus intéressant ici, c’est le contraste entre la dureté et fragilité du verre combiné à de la soie, un tissu aussi fin et léger qui forme un ensemble spectaculaire.

Coperni ne cesse d’impressionner. Place à leur iconique “Swing Bag” refait en toutes couleurs et matières imaginables. Seulement, cette fois-ci, c’est en or que le sac à main a été réalisé. En or pur, fondu en Italie pour l’occasion et qui repartira tout de suite après le défilé dans le pays d’où il est venu pour être à nouveau refondu et transformé en d’autres bijoux. Une vraie pièce unique. On remarque également un imprimé fleuri assez étrange, ce qui n’est pas une habitude de la marque. Des fleurs déconstruites sur un fond noir, imprimé sur du tissu lenticulaire, ce qui nous donne ainsi l’impression d’un véritable hologramme au moment du mouvement.

Place maintenant à la performance finale. Toutes ces petites innovations, qui ont déjà montré le talent du couple à se surpasser, n’étaient qu’une façon de nous amener à ce final. Mais rien n’était en mesure de réellement préparer quiconque à ce qui allait en suivre. Les lumières s’éteignent et se stabilisent dans une ambiance sombre, mais tamisée. Après un instant de silence, Bella Hadid, une des “supermodels” les plus reconnaissables de nos jours, surgit de la pénombre nue et monte sur le podium. Vêtue uniquement d’un sous-vêtement, elle se positionne dans un silence étrange et 2 hommes en tablier lui tournent autour. Le public est confus et ne sait vraiment plus quoi penser.

Les deux scientifiques commencent donc à asperger la mannequin d’un liquide blanc étrange. Tout le monde pense qu’il s’agit d’une sorte de peinture et regarde attentivement. Une fois Bella recouverte de blanc qui forme une robe sur son corps, une femme vient comme ajuster cette peinture. Elle saisit ensuite une paire de ciseaux et coupe une entraille dans la matière blanche au niveau des jambes de la mannequin. C’est à ce moment précis que l’on comprend qu’il n’est pas question de peinture, mais que Bella a été vaporisée avec une matière blanche qui, au contact avec la peau, s’est transformée en tissu. Les spectateurs ont ainsi assisté à un véritable moment historique dans l’histoire de la mode. Du jamais vu. Bella fait un tour de la pièce vêtue de sa magnifique robe blanche, qui s’avérait être une solution à base de cellulose liquide, et le spectacle se finit par une ovation de la part du public.

La grande compétition

Les quatre semaines de mode en ce mois de septembre ont été indéniablement intenses. Des défilés grandioses et novateurs ont été proposés au public. Des créateurs et directeurs artistiques qui se sont surpassés les uns les autres. Mais qu’en est-il de l’impact de tels spectacles ?

Une dizaine de maisons de mode présentent leurs défilés de 2 à 4 fois par an, ou parfois même plus.

La question de l’empreinte écologique est un thème primordial pour la majorité d’entre elles, mais certaines marques ne semblent toujours pas concernées. Création de décors énormes uniquement pour le temps d’un défilé, invitation de célébrités venues pour le spectacle spécialement pour cette occasion et même bloquage d’une grande partie de la ville. Même si l’art est important et la splendeur du spectacle est en jeu, il existe toujours des alternatives afin de limiter son empreinte sur des événements aussi exigeants, tout en gardant l’effet spectaculaire. Qui donc nous surprendra la prochaine saison ? Bien évidemment, présenter de nouvelles idées novatrices est primordial, d’autant plus dans ce milieu. Néanmoins, il est difficilement possible d’inventer, d’innover et de ne pas se répéter. Si l’on épuise toutes les nouvelles idées en un défilé pour une saison, restera-t-il assez d’inspiration pour les prochaines ? Kayetan Glinka / S7PL / EEB1 Uccle

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